Folle de chapeaux

Par Karine Audet
Folle de chapeaux

Elle s’appelle Suzanne Gagnon et travaille de chez elle, sur la rue Principale à Lachute. On ne peut guère passer devant sa maison sans la remarquer puisque dans son parterre un écran numérique clame les mérites de l’atelier de chapeau Aux quatre vents. Durant des années, en lieu et place de cet écran, il y avait une affiche en bois qui annonçait une entreprise de conceptions d’enseignes. 

Pendant une vingtaine d’années, Suzanne Gagnon a dirigé des équipes de fabrication d’enseignes pour des commerces, des villes et des villages du Québec, depuis la MRC d’Argenteuil jusqu’au village Longue-Pointe à Mingan en passant par Les Bergeronnes sur la Côte-Nord. Nul n’étant prophète en son pays, elle n’a pas réalisé d’enseignes pour Lachute, bien que le siège de son entreprise s’y trouve. 

Mais ça, c’est presque de l’histoire ancienne puisque Mme Gagnon entend fermer boutique pour revenir au bercail, cette fois dans le personnage d’artisane, ce qu’elle n’a jamais cessé d’être dans son cœur et dans sa tête. Le virage s’est produit il y a quelques années lorsque son conjoint lui a offert en guise de cadeau d’anniversaire un cours de fabrication de chapeau donné par une dame de Mirabel. Ce fut comme une manière de coup de foudre. Elle est tombée là-dedans comme Obélix dans sa marmite: en quelque mois, elle s’est équipé de tout ce qu’il faut pour fabriquer des chapeaux depuis les machines à coudre jusqu’aux têtes ajustables en bois pour former la matière (tissu, feutre, cuir, etc.). En bonne femme d’affaires, elle s’est ensuite dotée d’un site web et s’est inscrite à des cours de marketing et prise de parole par vidéo. 

Elle fabrique des œuvres uniques, mais a choisi pour se lancer de concevoir un chapeau passe-partout, un prêt-à-porter, qu’elle décore d’accessoires aussi divers que multiples.  Elle les fabrique en deux tailles et ils sont ajustables. En outre, ils sont antiUV (c’est-à-dire opaques aux rayons du soleil) et imperméables. Son but, faire renaître le métier de chapelière, une activité qui a presque disparu depuis que les femmes ne vont plus à l’église. Il y a plus d’un demi-siècle, les dames devaient se couvrir la tête lorsqu’elles se rendaient au temple, d’où la prolifération à l’époque de chapeaux de toutes formes. C’est d’ailleurs dans ces années que la jeune Suzanne s’est prise de passion pour les chapeaux qu’elle observait avec sa grand-mère chaque dimanche.  

Puis les moeurs ont changé. Les femmes ont préféré se promener en cheveux et les boutiques de chapeaux ont dû fermer leur porte. Pas complètement cependant: quelques inconditionnels nostalgiques ont continué de fabriquer des chapeaux, et certaines femmes ont succombé à leur charme.  Car enfin, c’est charmant un chapeau. Et puis, dit Suzanne Gagnon, «un chapeau, c’est élégant et ça vous distingue». Elle croit que même les hommes qui autrefois ne seraient jamais sortis sans couvre-chef, ne fusse que pour saluer les dames, s’ennuient du chapeau. En tout cas, ça les changerait de la casquette de baseball avec la palette dans le dos. 

Suzanne Gagnon est particulièrement fière d’utiliser des produits sinon locaux, du moins nationaux. Tout ce qui entre dans la fabrication de ses chapeaux est québécois ou canadien.  Sa signature par exemple consiste en une petite étiquette en peau de chevreau provenant d’Alberta. Elle utilise comme garniture du poil de lapins angoras de Saint-Valère et elle achète un fil de coton particulièrement doux chez une artisane de Montebello. 

Suzanne Gagnon bouillonne de projets: bien sûr, elle veut vendre des chapeaux, mais elle entend aussi partager sa passion en donnant des ateliers. Elle discute actuellement avec la ville pour offrir un atelier chez elle, ce qui pour le moment est incompatible avec les règlements de zonage. Elle souhaiterait créer un atelier mobile afin de parcourir les routes de la province pour partager ses connaissances avec les gens des régions. Elle songe aussi à créer des événements-bénéfice, parade de mode ou autres, en particulier pour la Fondation de l’hôpital de Lachute; elle veut également venir en aide aux femmes atteintes du cancer du sein, une cause qui lui tient particulièrement à cœur. 

Pour le moment, elle concentre ses efforts sur la mise en marché de ses modèles de chapeaux prêts-à-porter qui existent en une grande variété de coloris, de tissus et de garnitures. Tous sont faits main avec l’assistance ponctuelle d’une machine à coudre Pfaff. Very vintage, my dear. 

Mais le grand rêve de cette passionnée, c’est d’être reconnue comme la chapelière de Lachute et que toutes les têtes d’Argenteuil se coiffent de ses créations. Elle sera présente en novembre prochain au Salon national de la femme de Québec et à compter de l’année prochaine, on pourra la rencontrer dans plusieurs marchés publics de la région. 

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