Selon une analyse de Statistique Canada publiée le 17 août, le nombre de personnes, lors du recensement de 2021, qui ont déclaré que leur première langue officielle était le français a diminué de plus de quatre pour cent dans les CUPR, depuis le recensement de 2016. Cela correspond à une baisse de près de six pour cent du français comme première langue parlée à la maison dans toute la région, et à une augmentation de près de quatre pour cent de l’anglais.
L’analyste principal de Statistique Canada, Daniel Pereira, souligne que même si la proportion de la population parlant le français comme première langue officielle est en baisse (une tendance observée à l’échelle nationale à l’extérieur du Québec), le nombre total d’individus qui parlent français est en hausse.
« Lorsque nous examinons la connaissance des langues officielles, le nombre réel de locuteurs capables de soutenir une conversation dans les deux langues officielles a augmenté, a déclaré M. Pereira, contrairement à la tendance observée dans le reste de la province et à l’échelle nationale, où le taux de personnes ayant une connaissance des deux langues officielles est en baisse. »
Bien que cela puisse être un signe optimiste pour le bilinguisme dans la région, les individus ont déclaré que leur connaissance des langues officielles du Canada ne s’étendait qu’à l’anglais, qui a augmenté à près d’un quart de la population (plus de trois pour cent par rapport à 2016). En proportion de l’ensemble de la population, les personnes ayant une connaissance du français seulement et celles ayant une connaissance des deux langues officielles ont diminué d’environ 1,5 % respectivement.
Pour Pierre-Étienne Daignault, président de l’Association canadienne-française de l’Ontario de Prescott et Russell (ACFO), les statistiques et analyses du gouvernement canadien ne sont pas particulièrement révélatrices. En tant qu’avocat défendant les droits des francophones en Ontario et au Canada depuis plus de deux décennies, M. Daignault est bien conscient que le français est en déclin.
« Je n’ai rien appris là-dedans, a dit M. Daignault en faisant référence au rapport. Ce sont des choses que je sais depuis des années. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut inverser du jour au lendemain, mais il faut faire quelque chose quand même. »
M. Daignault souligne qu’au cours de l’histoire canadienne, de nombreuses tentatives ont été faites pour changer la trajectoire de la langue française à travers le pays, sans grand succès. En commençant par le premier ministre Pierre Elliot Trudeau qui a introduit la Loi sur les langues officielles en 1969, donnant au français et à l’anglais un statut égal au Canada, beaucoup d’efforts de la part des gouvernements, tant provinciaux que fédéraux, mais peu de succès, selon M. Daignault.
« Il y a beaucoup de batailles à livrer partout au Canada, a dit M. Daignault. Le rêve de Trudeau père, que tout le monde parle anglais et français coast-to-coast, c’est démontré que ça ne marche pas. C’est un idéal qui est inatteignable. »
L’immigration comme solution
En tant que plus grande communauté majoritairement francophone à l’extérieur du Québec, la protection de la langue et de la culture françaises dans l’est de l’Ontario est une priorité pour les responsables. Il est urgent de trouver des solutions au déclin de l’utilisation du français. Pour M. Daignault et l’ACFO, la solution la plus évidente à court terme est l’immigration.
« On peut la ralentir. On peut accueillir beaucoup d’immigrants francophones, a expliqué M. Daignault. Si vous voulez venir en Ontario, c’est possible de vivre en français. Puis, c’est vrai. »
C’est une réalité à vendre à la population. Inviter davantage d’immigration en provenance d’Afrique du Nord et du Mahgreb permettra de renforcer la culture française dans la région et de freiner et ralentir la tendance. M. Daignault note également que l’immigration en provenance des pays francophones renforce et ajoute au dynamisme de la communauté.
En 2020, la ville de Hawkesbury a lancé un projet pilote pour accueillir un plus grand nombre d’immigrants de toute la francophonie. Entre 2020 et 2023, l’initiative Communautés francophones accueillantes (CFE) reçoit 1 350 000 $ du gouvernement fédéral et est administrée par le Réseau de soutien à l’immigration francophone de l’est de l’Ontario (RSIFEO).
La mairesse de Hawkesbury, Paula Assaly, estime que ces programmes sont essentiels au maintien des caractéristiques démographiques uniques de la population francophone de l’est de l’Ontario.
« Je pense sincèrement que notre gouvernement fédéral doit s’assurer qu’il augmente le nombre d’immigrants francophones qu’il autorise au Canada pour aider à stabiliser la démographie, a déclaré Mme Assaly. Cela ajoute de la saveur et de la culture à notre pays. »
Pour Mme Assaly, il est important de noter que ces immigrants sont des immigrants économiques, et non des personnes qui cherchent l’aumône.
Toutefois, l’immigration ne résoudra pas à elle seule le problème. Mme Assaly soutient que l’amélioration des opportunités économiques au sein des communautés francophones inspirera un plus grand bilinguisme et maintiendra la croissance des communautés francophones.
« Je pense que nous pourrions mettre de l’avant le fait que le bilinguisme est une valeur ajoutée pour l’emploi, a ajouté Mme Assaly. Chaque francophone a la responsabilité de s’assurer que cela ne continue pas à se produire. Nous devons nous unir. Nous devons insister sur nos droits en tant que francophones. »
Les langues non officielles en hausse
Selon l’analyse, la hausse de l’immigration depuis 2016 a entraîné, en fait, une augmentation de l’utilisation de langues autres que l’anglais ou le français dans les ménages canadiens. Dans l’ensemble du pays, le nombre de Canadienstha parlant majoritairement une langue non officielle à la maison a augmenté de 16 %. Dans les CUPR, la prévalence des langues non officielles parlées le plus souvent à la maison a augmenté de près de 40 % depuis 2016. Cependant, le nombre total d’individus reste faible. Un peu plus de 1 200 personnes ont déclaré parler une langue autre que l’anglais ou le français le plus souvent à la maison, ce qui représente moins de deux pour cent de la population.
Le nombre de ménages de la région parlant principalement l’arabe, l’espagnol et le créole à la maison a doublé depuis le dernier recensement. Les personnes cochant la case du tagalog, la langue la plus parlée aux Philippines, ont été multipliées par cinq. D’autres langues asiatiques comme le coréen et le vietnamien ont connu des augmentations similaires. Bien que le nombre total de leur croissance semble impressionnante, la proportion combinée de la population parlant ces langues à la maison représente moins d’un pour cent des résidents de la région.