Du bon grain

Par Karine Audet
Du bon grain

Il y a des personnalités qui transcendent; plus grande que nature. Ces personnes puisent leur énergie dans l’accomplissement de soi, dans leur apport à la société et le respect des travailleurs qui les accompagnent, une denrée si précieuse de nos jours. Nathalie Malo fait partie de ces mères originales, de ces employeurs attentifs, de ces femmes qui défoncent les murs.  

Évidemment, on est devant une force de la nature, une femme de défis et de convictions, une «hyperactive non diagnostiquée» comme elle s’amuse à se définir: la personnalité d’affaires de l’année selon la Chambre de commerce et d’industries d’Argenteuil.
Rencontrée par L’ Argenteuil après le gala voilà quelques semaines, Nathalie Malo est plus qu’une agricultrice et une restauratrice, c’est une visionnaire remplie d’audace et de fougue. À son CV s’ajoute la création d’un CPE avec des partenaires du milieu, un mignon casse-croûte ayant pignon sur rue
à Grenville, Fromage et compagnie, et le projet d’accroître les milieux de garde familiaux au sein des entreprises qui en ont grandement besoin en proposant des horaires atypiques.  

Originaire de Saint-Césaire, elle débarque à Saint-Philippe après être tombée en amour avec Yvan Laurin lors d’un congrès de l’UPA pour la revalorisation de l’agriculture. Déjà, elle avait une tête sur les épaules, une franche implication sociale et le désir de créer une grande famille. Mais pas à n’importe quel prix! La création du CPE Le Rêve de Caillette était le fruit d’une réflexion: pourquoi des enfants des agriculteurs devraient-ils se retrouver au travail sur des fermes alors que c’est un métier tellement dangereux? Elle privilégie la qualité à la quantité, le bonheur de s’accomplir et la force du travail d’équipe, tout en créant des liens affectifs forts. 

C’est d’ailleurs durant la période de la crise laitière de 2015 qu’elle met en branle son plan B, soit celui de transformer sa matière première, le lait, en «fromage en crotte». En attendant les autorisations de la MAPAQ, sans une ni deux, elle ouvre Fromage et cie à Grenville. Le succès est sans équivoque. «On a brulé tout le monde de ma famille!, se rappelle celle dont le conjoint est venu souvent à la rescousse pour faire des patates. On dit souvent que l’avantage d’être entrepreneur, c’est que c’est toi qui décides. Non, ce n’est pas moi! Si tu t’écartes de la tendance, des besoins du client et que ton équipe ne te suit pas, ça ne peut pas fonctionner. J’ai 1000 projets, mais c’est important d’avoir le support de tout le monde et de bien les faire.» Tout comme celui de rendre son entreprise écoresponsable. Bien que chaque geste compte, elle ne prend pas ça à la légère. Elle veut bien prendre des plats qui se récupèrent, mais si les clients les mettent à la poubelle, rien n’est gagné. Et c’est en faisant ses recherches qu’elle comprend que les pertes alimentaires et le compostage a 1000 fois plus d’impact pour protéger la terre qui nous nourrit. L’achat local sera aussi son leitmotiv. 

En proposant des poutines exclusives, plus savoureuses les unes que les autres, ne manquaient que ce fromage tant apprécié, qui est enfin créé. Le fromager, Mathis, a débuté à 14 ans en faisant des patates. «C’est une recette et du savoir, il faut être soucieux des détails, admet celle dont le principal défi est le manque et la rétention de main-d’œuvre et… bien sûr, avoir passé au travers de la pandémie, qu’elle a prise avec toute la sagesse du monde. «On vit un moment historique!», disait-elle à son équipe. Frondeuse, celle qui n’a pas accepté de jeter 3000 litres de son lait s’est battue pour le transformer en 2200 blocs de fromage qu’elle a distribué aux banques alimentaires lors des premiers mois de la Covid-19.  

À ceux qui pourraient croire qu’elle n’a pas eu son lot d’épreuves, je vous mets au défi d’élever un 6e enfant avec la paralysie cérébrale et de lui assurer un avenir en défonçant les portes du système scolaire pour lui construire une place au sein de la société. «Juliette a fait de mes enfants de meilleurs humains, c’est une enfant lumineuse, intellectuelle, qui a beaucoup d’humour», souligne Mme Malo. Son dernier combat? Lui permettre de manger autour de la table avec ses frères et sœurs, sans l’aide d’un membre de la famille, par le biais d’un robot, une révolution technologique qui lui assure son indépendance. Parce que Juliette, 17 ans, a toute sa tête et ses parents ont cru en elle comme ils croient en leurs enfants auxquels ils ont transmis des valeurs de respect, d’entraide et d’efforts. Les jeunes hommes sont surtout sur la ferme avec papa tandis que les filles font des études universitaires.

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