Le «derecho» vécu par Jean Poirier à Alfred-Plantagenet

Par Karine Audet
Le «derecho» vécu par Jean Poirier à Alfred-Plantagenet

Note du rédacteur 

Dans un courriel, Jean Poirier, résident rural d’Alfred-Plantagenet et ex-député provincial, raconte comment il a vécu le derecho qui a causé bien des dégats dans l’Est-Ontarien. En voici un extrait. 

C’était la première fois que je subissais le passage d’un phénomène d’une telle violence.  On n’oublie pas, soyez certains. Nous étions en train de passer paisiblement une fin de semaine de trois jours, lundi congé férié de …la reine Victoria. Veuillez excuser notre constitution monarchique désuète. 

Gaëlle, la fille de Domi, son époux Carlo et leur fils Christian étaient venus de Maple (nord-est de Toronto à quelques 550 km d’Alfred) passer ce congé en famille. La météo est très rapidement passée de temps gris à pluie et vents très forts.  Juste que là, rien d’anormal mais tout d’un coup, j’ai compris que ça se dégradait horriblement rapidement à un niveau jamais vu.  À tel point que nous sommes tous aller nous réfugier immédiatement au sous-sol, au cas où… 

Je n’oublierai jamais la force du vent, de la pluie, le bruit infernal.  J’ai tout de suite compris qu’il y aurait du dommage majeur une fois le phénomène passé. 

Effectivement, une fois sortis de notre tanière, nous avons pu constater l’ampleur :  sept des neuf beaux grands conifères près de la maison brisés, d’autres à l’orée de la forêt brisés, déracinés. Mais je n’ai pas eu le courage de me rendre dans notre boisé d’une vingtaine d’hectares. Nos conifères adorés que nous avions plantés il y a 45 ans, des petits bouts hauts de 20 cm, détruits en quelques secondes, des géants 20 mètres de haut brisés comme des allumettes.  C’est comme perdre des enfants, nous les avions dorlotés depuis le début.  Coïncidence troublante, nos arbres-enfants sont morts un 21 mai, jour de l’anniversaire du décès de ma mère il y a 23 ans.  Elle m’avait aidé à les transplanter, les a câlinés, les adorait. Elle aussi doit pleurer d’en haut de les voir abattus. 

J’ai perdu quelque pièces de tôle de la façade de la maison, du garage et de la grange arrachées, sans jamais les avoir retrouvées. Mais, heureusement aucune tôle des toits perdues.  Ouf! Une catastrophe que de nombreuses victimes ont subie, un toit endommagé même partiellement par des vents et pluies torrentielles cause des ennuis majeurs de réparation. Surtout que de nos jours, les entrepreneurs, déjà trop rares et débordés à cause de la pandémie, sont de fait incapables de répondre à la demande d’urgence ou non. Par exemple, nous attendons depuis plus de deux ans les services de notre couvreur, exaspéré, entre autres, devant l’incapacité à recruter des employés. 

Désespérant de se promener sur nos routes locales (une fois libérées des débris):  de belles granges et autres bâtiments de fermes, grands et petits, détruits complètement comme si une bombe y avait été bien placée. En pleine saison des semences, déjà très en retard à cause d’un printemps pluvieux et froid. Des amas de troncs et de branches partout, souvent coupés d’urgence pour libérer le passage et retirer les fils électriques jonchant dangereusement partout comme des mines anti-personnel. Des champs couverts de débris gros et petits arrachés aux bâtiments et aux arbres.  Quels dangereux pièges pour les producteurs agricoles et leurs machines. 

Mais, nous pouvons nous consoler du fait que nos dommages sont “minimes” comparés à ceux d’ailleurs.  Je pleure surtout la perte de vies. Et celle de nos conifères.  Ça fait plutôt désertique autour de la maison.  Tout est à recommencer. C’est évident que je ne pourrai contempler de nouveaux géants en remplacement de ceux perdus. 

Gaëlle a pris une soixantaine de photos du dommage ici. Je vous en ferai parvenir quelques-unes quand elle me les aura transmises depuis sa résidence à Maple. 

Et on nous dit qu’à cause du réchauffement climatique, des phénomènes météos de plus en plus violents et extrêmes sont à prévoir : pluies, neige, verglas, vents, sécheresses, inondations, etc. Un parapluie ne sera plus suffisant.  Quel avenir pour nos jeunes? Que l’humanité est bête. Dire qu’il y a encore des climato-sceptiques. Il n’y a rien comme un aveugle volontaire, surtout vues les conséquences perpétuelles de l’inaction face à l’urgence d’agir. Je tente d’imaginer de produire des récoltes dans des conditions aussi difficiles. Quel cauchemar pour les pauvres agriculteurs qui tentent de produire les ingrédients pour nourrir la planète, avec un climat de plus en plus imprévisible, des citadins insensibles à l’impact environnemental sur leur propre survie. 

Une pensée pour ceux et celles qui ont tant ou tout perdu, dont la vie. 

 

Jean Poirier 

Alfred 

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