Les entreprises cherchent du monde

Par Karine Audet
Les entreprises cherchent du monde

Le 13 mai dernier, à la polyvalente Lavigne, se tenait un Salon de l’emploi. La manifestation devait permettre aux entreprises locales de rencontrer d’éventuels candidats pour des postes à combler.  En même temps la polyvalente souhaitait remercier ces entreprises pour leur précieux apport dans le curriculum des jeunes en leur fournissant durant l’année des stages d’apprentissage.  

Vicki Labelle, conseillère d’orientation et organisatrice du salon, trace un portrait du programme de formation axé sur l’emploi offert par la polyvalente Lavigne. Ce programme s’adresse aux élèves qui n’ont pas pu compléter leur secondaire en raison de difficulté d’apprentissage. Il y a deux parcours possibles: la formation à un métier semi-spécialisé et la formation préparatoire au travail. La première option dure une année durant laquelle les élèves effectuent des stages en entreprise à raison de deux jours par semaine. La seconde s’étend sur trois ans, et la troisième année, les élèves consacrent quatre jours par semaine à leur stage.  Sur les mille cent élèves que compte la polyvalente, une trentaine sont inscrits dans chacun des deux parcours. 

Il fut un temps où ces élèves en difficulté auraient été laissés pour compte et auraient abandonné l’école pour un marché du travail auquel ils n’auraient pas été préparés. Comme le dit justement la psychiatre Louise Gendron «il y a une seule sorte d’école, mais plusieurs sortes d’enfants». Cela signifie que les programmes fondés sur la connaissance livresque ne conviennent pas à tout le monde. On peut être nul en philo et se révéler doué pour la cuisine. C’est donc pour contrer le décrochage de ces individus allergiques, pour ainsi dire, à l’enseignement traditionnel qu’on a institué ces formations axées sur le travail et la vie citoyenne. Les métiers plus spécialisés exigeant des connaissances élaborées (maîtriser la lecture de notices, par exemple, ou posséder des notions de géométrie) feront l’objet des divers profils professionnels dispensés au cégep ou en formation professionnelle. 

Il arrive que des élèves entretiennent des espoirs irréalistes quant à leur avenir. On doit alors, dit Mme Labelle, explorer les possibilités qui s’offrent à eux en fonction non pas uniquement de leurs limites, mais surtout de leurs capacités. En somme, il s’agit de les aider à mieux se connaître eux-mêmes. S’ils persistent dans leurs intentions, Mme Labelle leur suggère d’aller voir, «de s’essayer». Certains ont besoin de constater par eux-mêmes qu’ils ne sont pas en mesure de satisfaire aux exigences académiques qui mènent à tel ou tel emploi. 

Mme Labelle souligne que ce sont les enseignants qui effectuent le démarchage auprès des entreprises locales afin de trouver des stages pour leurs élèves. Celles-là ne se font guère prier et acceptent volontiers d’accueillir des stagiaires durant l’année scolaire. Les stages ne sont pas rémunérés, car ils sont considérés comme partie intégrante de la formation. En revanche, il arrive qu’un employeur décide d’engager un stagiaire au-delà de ses heures de stage et de lui offrir un salaire pour l’excédent. Il n’est pas rare non plus que certains élèves reçoivent au terme de leur stage une offre d’emploi de l’entreprise qu’ils avaient fréquentée durant l’année scolaire. 

Parmi les employeurs présents au Salon de l’emploi, il y avait des représentants d’Acier Ouellette, une firme de Saint-Jérôme. Cette compagnie qui a accueilli des stagiaires de la polyvalente manque actuellement de travailleurs, comme la plupart des entreprises québécoises. Elle participe donc au Salon de l’emploi dans l’espoir d’intéresser des jeunes à travailler dans son usine.  

Même situation pour une PME de Lachute, La Boulangerie du p’tit chef, qui cherche de la main-d’œuvre pour les mois d’été. Félix Marcoux, propriétaire de l’entreprise, s’est donc présenté au Salon avec un assortiment de croissants, de pains et de brioches.  Comme quoi, on n’attire pas les mouches avec du vinaigre.  

La pénurie est telle que les postulants ont le beau rôle. C’est dire que sans avoir des exigences extravagantes, ils peuvent négocier des conditions de travail avantageuses. Par exemple, une certaine flexibilité d’horaire, des primes au rendement ou des avantages sociaux. Compte tenu du vent d’inflation qui souffle non seulement sur la province, mais sur toute l’Amérique du Nord voire du monde occidental, les employeurs ont dû ajuster leurs propositions salariales à la hausse, ce qui fait l’affaire des chercheurs d’emploi.  

Il y a toutefois un revers à cette médaille souligne Mme Labelle. Comme les propositions de travail peuvent paraître alléchantes, certains élèves vont préférer abandonner leurs études pour un emploi immédiat et le salaire qui vient avec. À long terme, ce n’est peut-être pas un calcul judicieux puisqu’ils renoncent à une formation qui pourrait se révéler indispensable dans l’avenir.  

 

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