Acheter local… même des livres?

Acheter local… même des livres?

Naguère réservés aux seuls éditeurs professionnels, l’édition est désormais à la portée de tous pourvu qu’on possède les bons outils. Le statut d’écrivain ou d’auteur est donc accessible à quiconque a l’envie d’écrire. C’est ainsi qu’en Argenteuil, il n’y a pas de librairie, mais la région compte au moins deux éditeurs et plusieurs auteurs auto-édités.  

Parmi ces aventurier (car publier demeure une aventure), on compte Les célèbres anonymes, une maison de Brownsburg-Chatham qui lance ces jours-ci son neuvième ouvrage, Philippe veut capturer des baleines avec son appareil photo. Avec Cynthia Lisa Dubé au texte et Marie-Hélène St-Michel aux images, ce petit livre raconte l’histoire d’un jeune garçon qui réalise un rêve, photographier des baleines dans le bas du fleuve. En chemin il se rend compte que c’est plus difficile que prévu. C’est pourquoi il se renseigne auprès du Centre de recherche et d’études sur les mammifères marins.  

Car, en plus de divertir, le livre informe les jeunes lecteurs de cinq à neuf ans sur les cétacés qui fréquentent le fleuve Saint-Laurent. Chose rarissime dans le monde de l’édition, une somme de deux dollars sera remise au Centre pour chaque exemplaire vendu.  

Les Célèbres anonymes existent depuis 2017. C’est, à toutes fins utiles, une entreprise familiale puisque les animateurs/propriétaires/auteurs de la maison, Mario Chabot et Cynthia-Lisa Dubé forment un couple dans la vie; qui plus est, certains personnages de leurs ouvrages s’inspirent fortement de leurs deux enfants, Jules et Victor, qui sont les avatars d’Arthur et Philippe, héros d’albums passés et futurs.  

Spécialisés en littérature-jeunesse, Les Célèbres anonymes ont fait une incursion dans le monde adulte avec un recueil de textes courts, des microfictions signés par les deux auteurs mais publiés dans un livre réversible: côté face on trouve Atomes, fragments et parcelles de Cynthia, côté pile et à l’envers, Le Futur est déjà passé de Mario. La maison a aussi publié une biographie de Maude Abbott destinée aux jeunes de dix à quatorze ans.  

Les célèbres anonymes n’entendent pas accueillir d’auteurs de l’extérieur. «La gestion au quotidien ne nous emballe pas. Alors il n’est pas question de la faire pour d’autres. De plus, s’ouvrir à d’autres signifie s’imposer la lecture d’un grand nombre de manuscrit chaque année. Ce qui nous intéresse c’est la création». Il faut dire que le couple a fort à faire pour gagner sa vie. Cynthia est transcriptrice juridique et Mario travaille comme routier. Cynthia fait en outre du bénévolat à l’Association des Auteurs des Laurentides (AAL) et assume depuis sa création la présidence de La Branche culturelle, organisme voué à la diffusion de la culture à Brownsburg-Chatham.  

Le gros défi pour un petit éditeur ou pour des auteurs autopubliés, c’est la distribution. Le Québec compte environ 200 librairies indépendantes situées sur territoire sans bon sens. Il n’y a pas que les librairies qui vendent des livres: pharmacies, certains dépanneurs, grandes surfaces, boutiques de jouets (pour les livres jeunesse), etc.  

Les éditeurs agréés (c’est-à-dire qui ont accès aux subventions de l’État) font tous affaires avec des distributeurs qui sillonnent la province et font la promotion des livres auprès des libraires en échange de 20% du prix du livre. Ces machines bien rodées font la fine bouche devant les petites maisons d’éditions qui publient peu chaque année. C’est dire que Mario et Cynthia doivent fonctionner autrement. Autrement, cela signifie payer de sa personne. C’est ainsi que Mario fait le tour des quelques librairies dans les Laurentides et dans sa ville natale (St-Hyacinthe): le couple fréquente aussi les marchés publics, les foires de Noël et les séances de vente organisées par l’AAL. C’est beaucoup de travail. Parfois éreintant. Mais de l’écriture jusqu’à la vente en passant par le graphisme et l’impression, la petite entreprise jouit d’une indépendance à laquelle elle n’entend pas renoncer. La grosse dépense, c’est le forfait pour les illustrations de chaque album. Chez Les célèbres anonymes, en dépit de la pandémie, on voit l’avenir avec optimisme. L’objectif : éditer un ou deux livres par année. Le prochain, prévu pour la fin du printemps s’intitule La jument qui aimait trop les livres. Comme si c’était possible d’aimer trop les livres.  

Partager cet article