Les restaurateurs posent des questions

Les restaurateurs posent des questions

Selon Denis Pelland, propriétaire de Pub Sir John Abbott – Grill locavore de Saint-André d’Argenteuil et du Long’Soh – Bistro d’Asie de Brownsburg-Chatham, il va falloir répondre à la question il faut apprendre à vivre avec. «Ça veut dire quoi au juste? Si ça veut dire de nous imposer des ouvertures et des fermetures n’importe quand, à quelques heures d’avis, et de perdre nos stocks, il va falloir qu’on change notre modèle d’affaires, lance-t-il d’un ton exaspéré. Il faut penser à des solutions durables. On ne peut pas continuer de perdre notre argent et notre énergie comme ça.» 

Enseignant en éthique, il comprend aussi que l’état ne peut pallier tous les problèmes et devenir la mamelle de tous.  C’est pourquoi il a écrit voilà plusieurs mois à la députée provinciale afin de discuter et tenter de trouver des solutions. Mais aucune réponse ne lui a été donnée. Tout comme pour les propriétaires de salles d’entraînements, il faut préciser que les restaurateurs ne profitent pas d’un lobbying fort auprès des instances gouvernementales, mis à part l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ), qu’il qualifie plutôt comme un regroupement d’achats. 

D’autre part, certains restaurateurs ont pu profiter de programmes jusqu’en novembre, mais plusieurs se sentent floués par des règles changeantes au gré des nouvelles annonces.  Les propriétaires du Restaurant Le Bouillon16 l’ont appris à leurs dépens.  Aidé par Christian Thibeault de la MRC d’Argenteuil par les programmes POUPME-EARAM, on leur précise qu’ils pourront mettre leurs pertes périssables, leur salaire (propriétaire) et les frais en lien avec les mesures sanitaires pour apprendre quelques mois plus tard que ce n’est plus possible parce que ça ne s’applique pas à notre région. Ces entrepreneurs ne savent plus sur quel pied danser. «Avec une deuxième fermeture de 5 mois et demi en 2020, on a dû prendre un temps supplémentaire avec espoir et stress pour répondre à des formulaires sans fin qui nous permettaient d’aller chercher de l’aide financière. Émotionnellement, en plus des pertes de revenus et de gains, on nous dit 6 mois plus tard que toute la partie des frais admissibles aux frais de fermeture ne s’applique pas à notre région.  Tout notre fonds de roulement a été grugé en pensant que nous aurions de l’aide. Grande déception de notre part et notre confiance est évidemment ébranlée, explique Audrey Marleau. Et là, on se fait encore fermer? Nous n’avons plus le même carburant.»  

  «On n’a pas une fenêtre de drive-in.  On ne peut pas toujours être en mode survie!», ajoute M. Pelland, qui lui n’a pas pu profiter des subventions salariales à cause des nouvelles recettes faites avec l’ouverture cet été du restaurant asiatique et du poste de traite au camping municipal. Ces derniers ayant fait augmenter le chiffre d’affaires lui ont fait perdre toutes les subventions.  En tentant de trouver des solutions, il a été pénalisé et, depuis le 30 décembre, ses deux restaurants sont fermés. Pour plusieurs, c’est frustrant et inéquitable. 

Tout comme pour Sam Vassiliou, propriétaire du Restaurant Eatalya et en affaires depuis plus de 44 ans, pour qui les vacances ont été devancées de 3 jours.  M. Vassiliou avait pris des réservations pour sa soirée de la veille du jour de l’an et son brunch du dimanche matin 2 janvier en respectant les capacités à 50%. Jeudi, lors de l’annonce, il affichait complet pour son 31 décembre. Il avait pour plus de 5000$ de denrées, dont beaucoup de fruits et de légumes périssables. «Le mois de décembre, c’est 50% de notre chiffre d’affaires, affirme celui qui devait se remettre la semaine précédente d’une douzaine de partys de bureau annulés au dernier moment. Le gouvernement du Québec n’a rien fait pour nous.»  Pour son retour de vacances à la mi-janvier, il devait accueillir le groupe des Lions. Il a peu d’espoir d’être ouvert. 

Pour plusieurs, ce sera aussi les renouvellements de permis de boisson et d’assurance et ils devront prendre la décision de mettre ou non la clé dans la porte définitivement.  Avec le prêt de 40 000 dollars du fédéral, dont la date de remboursement est en décembre 2022, les propriétaires sont exténués.  Ils réussissent à peine à payer les frais fixes. «Ce n’est pas avec des capacités à 50% et des fermetures durant les temps des fêtes qu’on va y arriver!», tonne M. Pelland. Mais les restaurateurs doivent rembourser le 40 000$ pour conserver la subvention de 20 000$.   

En situation d’urgence au début de la pandémie, l’aide a été la même pour tout le monde. Pourtant, les dégâts sont différents selon les domaines. Par exemple, une entreprise en construction a pu obtenir la même aide alors qu’elle, ses affaires sont plus florissantes que jamais.  Après presque deux ans, M. Pelland déplore que l’aide ne se soit pas diversifiée selon les secteurs d’activités les plus touchés.  

Et dans ce casse-tête, on ne parle pas du personnel qui a dû être mis à pied alors qu’il est déjà difficile à trouver et à former. «Lors de la première fermeture, j’ai perdu tous mes employés.  Personne n’est revenu, ajoute M. Vassiliou. Les gens pensent qu’on a travaillé moins, mais je n’ai jamais autant travaillé parce que je manquais de personnel!» Mme Marleau renchérit: «On n’a jamais travaillé aussi fort de notre vie! Beaucoup d’employés étaient tellement anxieux, qu’on les perdait!» 

On estime que les employés de la restauration auront droit soit à la prestation canadienne de 270$ par semaine, après déductions, ou à l’assurance-emploi, des montants peu enviables pour des personnes qui ont perdu leur emploi pour une 3e fois et qui doivent jongler avec les deux semaines d’attente sans salaire. La peur de les voir se diriger encore vers d’autres secteurs tiraille ces entrepreneurs déjà éprouvés par leur perte financière répétée.  

Les salles à manger des restaurants en Ontario ont été fermées hier, soit le 5 janvier 2022. 

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