Je ne serai jamais sur cette photo

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À cette époque, j’étais encore un partisan du Canadien et j’avais toujours une collection assez impressionnante de cartes de hockey. J’avais les cartes recrues de Wayne Gretzky, Mario Lemieux, Raymond Bourque, Patrick Roy, Mark Messier, Mike Bossy, Denis Potvin, Cam Neely. J’avais même une carte de Dave Tiger Williams, qui avait été trouvée dans les poubelles par mon père qui, à l’époque, travaillait encore comme vidangeur.  

Donc, juillet ‘87. J’attendais avec impatience l’arrivée du deuxième jeu de baseball, produit par Nintendo, c’est-à-dire RBI BASEBALL, le premier à être un jeu officiel des ligues majeures, le premier jeu à fournir les vraies équipes, avec les vrais noms de joueurs par-dessus le marché, et avec plein de vraies statistiques. Wow! Nous pouvions jouer avec les équipes qui avaient participé aux séries de l’année précédente, dont les invincibles Mets de New York. Je capotais littéralement. Je m’imaginais pouvoir décider du destin des invincibles Mets. Je pourrais être dans la peau des Dwight Gooden, Jesse Orosco, Gary Carter, Keith Hernandez, Howard Johnson, Lenny Dykstra, Mookie Wilson, Darryl Strawberry.  

Le club vidéo Langevin sur la rue Hamford recevait ses nouveautés le vendredi. Mon cousin et moi avions développé une tactique pour se garrocher sur le jeu dans le club vidéo, aussitôt le jeu arrivé sur les tablettes. Peu importe, mais il fallait que l’un de nous deux mette la main sur la pinouche de plastique, comme quoi le jeu devenait notre possession, et ce, au péril de notre vie de p’tits gars de 13 ans et demi! À l’époque, pas de réservation. En tous cas, pas chez Langevin! Chaque jeu, chaque cassette VHS avait sa pinouche bien accrochée. Après, on mettait le jeu ou le film dans une poche de jute. Plus tard dans ma vie, j’ai rencontré d’autres sortes de pinouches, mais ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui!  

Ce vendredi-là, le jour J, je mets la main sur le jeu. Mon cousin et moi dansons littéralement dans le club vidéo! La seule autre fois que j’ai dansé de la sorte, c’était lors d’un bal de finissants trop bien arrosé, qui n’était pas le mien. Il est 10h du matin et, en quelques minutes, j’allais devenir les Mets de New York.  

Dans la même journée, le prestigieux Canadien de Montréal était chez nous, dans ma p’tite ville, dans mon parc de balle, au mythique parc Richelieu. C’était dans le temps que le Canadien faisait sa tournée de balle-molle. Dans le temps que les joueurs restaient à Montréal l’été!  

Bref, à Lachute cet après-midi-là, ils seraient tous là : les Richer, Lemieux, Roy, Kordic, Nilan (mon préféré), Momesso, Gainey, Robinson, Chelios, Carbonneau, McPhee, Corson et le nouveau coach, le gros Pat Burns!  

Au début du Nintendo, les cartes pour sauvegarder les parties n’existaient pas. RIEN-NIET-NADA! Tu commençais une saison de baseball, tu la faisais la même journée, d’une traite, pas le choix! Donc, j’avais bien entamé ma saison de RBI BASEBALL, quand je reçois l’appel de l’un de mes oncles. En fait, le seul oncle que je connais qui aime la balle et le hockey comme moi. Nous portons le même amour pour la game. Il a 43 ans et moi 30 ans de moins, mais on parle le même langage. Quand on parle de sport ensemble, on n’a pas d’âge! Mon oncle respecte mes connaissances du sport, il se reconnaît en moi! Moi, j’aime bien me moquer de lui, surtout qu’il se définit comme le fan numéro un des Lions de la Colombie-Britannique! Un club de la ligue canadienne de football! Je ne comprends toujours pas cet amour pour le orange! Il m’offre d’aller manger une patate au vinaigre et d’aller voir le Canadien au parc Richelieu. Je lui dis que je joue avec mon nouveau jeu et qu’il me rappelle quand il va partir. Lui, mon frère, qui n’a rien à foutre du Canadien et du sport, accepte l’offre de mon oncle. Moi, je suis en mode indécision. Quand arrive le temps d’y aller, mon cousin me dit : -Hey Pat, on va gagner la série mondiale… tu ne peux pas me lâcher! Anyway, ils vont revenir l’année prochaine!  

Je ne veux pas lâcher le jeu. Je suis DOC Gooden et j’affronte Rogers Clemens. 

-Je vais rester chez nous, mon oncle. Je joue une grosse game.  

-Tant pis pour toé… ton jeu va être encore là demain!  

Mon oncle et mon frère partent vers le parc, et moi je continue ma quête du Saint-Graal. J’ai remporté la série mondiale avec les Mets de NY versus les Red Sox de Boston. Grâce à un grand slam de Darryl Strawberry en 9e manche! Moi et mon cousin étions hystériques dans le salon… We are the champions!, vibre dans nos cœurs. Il frappait, je lançais!  

Mon frère est revenu du parc avec des autographes de Chelios, McPhee, Roy, Richer, une photo polaroid avec Chris Nilan, une casquette tirée au sort et un beau programme de la soirée. En prime, le Rocket Maurice Richard était sur place pour donner des poignées de main. Maurice Richard, le Babe Ruth du hockey, était un invité surprise! C’est à ce moment précis que j’ai compris toute la portée d’un mauvais choix. Mon premier mauvais choix de vie. Un vrai, un inexplicable! Tout ça pour un jeu que j’ai acheté quelques années plus tard, un certain mardi, dans un Marché aux Puces pour 5$.  

Aux fins de l’histoire, cette année-là, en 1987, ce fut la dernière fois que le Canadien s’est présenté à Lachute. La dernière fois que le CH a foulé le légendaire parc Richelieu! Je n’ai jamais eu la chance de voir le Rocket. Ça aurait été ma seule chance de le voir vivant. En fait, la seule fois que je l’ai vu, ça aura été dans son cercueil lors de ses funérailles nationales! Un vrai rendez-vous manqué.  

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