C’est bien connu que les Comtés unis de Prescott et Russell constituent la seule région de l’Ontario où les résidents de langue française sont majoritaires. Les francophones constituaient 60% de la population, plus de 90% dans certains villages, 88% à Hawkesbury lors du dernier recensement de 2016. Voilà une situation qui fait de l’ACFO-PR la seule à desservir un territoire où les Franco-Ontariens sont encore majoritaires.
Comment alors expliquer le manque de visibilité et les difficultés de recrutement de nouveaux membres de l’organisme porte-parole? Le regretté Yves Saint-Denis était le président fondateur en 1973. Il s’est même retrouvé au poste de président à quatre reprises en 45 ans. «Dans Prescott-Russell, il y a de l’insouciance du fait que l’on ne soit pas en souffrance», avait-il déclaré à un journaliste de TFO. En 2018, Denis Vaillancourt, ancien président de l’AFO, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario et ancien membre du conseil d’administration de l’ACFO-PR, opinait dans le même sens. «Une communauté où l’on est majoritaire, c’est un défi différent. Les gens ne sentent pas le même besoin de défendre leur langue.» Et maintenant, c’est le président sortant Pierre-Étienne Daigneault qui, en d’autres mots, dit à peu près la même chose. «On ne se pose pas de question, on est pas menacé par la démographie, alors c’est sûr que ça rejoint les institutions actuelles, les gouvernements. Nos représentants politiques sont des Franco-Ontariens. On a nos écoles, nos institutions, on a un hôpital à Hawkesbury qui est bilingue. On est donc un peu endormi sur le plan linguistique».
Endormi ou pas, indifférent ou pas, cela ne change rien à l’importance du rôle que l’ACFO-PR doit continuer de jouer dans la communauté, selon Pierre-Étienne Daigneault. «On a vraiment besoin d’une ACFO parce que la démographie va se modifier dans 10, 15, ou 20 ans, ça va être différent. Des études à travers le Canada nous indiquent que notre poids démographique est à la baisse. Nous, les francophones hors du Québec, nous sommes un peu comme les canaris dans une mine. Si on ne peut plus vivre en français en Ontario, les prochains à subir le même sort seront les Québécois. Faut être vigilant, faut se battre pour nos droits».
L’ACFO-PR n’a pas fait les manchettes depuis la mobilisation, le 1er décembre 2018, de plus de 15 000 francophones et allophones de partout en Ontario contre les coupes du gouvernement de Doug Ford. Ça ne veut pas dire que rien n’est fait pour aider à l’avancement des Franco-Ontariens des comtés unis. Car l’organisme travaille sur le terrain, comme on pourrait dire, avec des projets, que ce soit l’incontournable tradition du banquet annuel de la francophonie, qui a du être annulé ou reporté en raison de la pandémie de la COVID-19. Ou encore la création d’un livre sur l’histoire de Hawkesbury et de Prescott-Russell, en collaboration avec l’historien Serge Dupuis.
Puis il y a la distribution de paniers de bienvenue aux nouveaux arrivants, et celle d’une trousse d’accueil incluant le répertoire des ressources disponibles dans la région de Hawkesbury. Ce sont là deux projets subventionnés par Immigration Réfugiés-Citoyenneté Canada dans le programme de Hawkesbury communauté francophone accueillante.
Par ailleurs, l’ACFO de Prescott-Russell n’hésite pas à hausser le ton lorsque ça devient nécessaire. Pierre-Étienne Daigneault a ajouté, «Lorsqu’on a participé à la protestation du 1er décembre 2018, contre les coupes de M. Ford, c’est notre ACFO, avec l’aide de l’AFO, qui a exercé le leadership d’organiser une manifestation ici.» S’il a été relativement facile de mobiliser la communauté francophone contre les coupes du gouvernement Ford, le président sortant explique que c’est comme quand le feu est pris. «L’ACFO c’est comme les pompiers. On se mobilise. Si on avait pas été là pour se mobiliser et protester, Doug Ford et sa gang aurait pensé que c’était correct de négliger, voire couper dans les services aux francophones. Alors si moi j’investis dans mon service des incendies, j’investis dans mon ACFO pour éduquer, sensibiliser. Maintenant, nous travaillons en coulisse avec nos représentants politiques pour faire avancer les droits des francophones. Par exemple, poursuit le président sortant, toutes les associations sont membres de l’AFO, nous participons à diverses tables de concertation. Souvent, je prends l’exemple des anglophones qui sont minoritaires au Québec. Ils ont trois universités, leurs écoles, leurs institutions et leurs hôpitaux. Alors qu’ici en Ontario français, on a un hôpital, l’Hôpital Monfort, et maintenant, on a fini par obtenir une petite université, l’Université de l’Ontario français à Toronto. On a pas notre juste part du gâteau, alors on veut la pérennité, l’essor de nos communautés. On peut peut-être renverser la décroissance de notre poids démographique avec l’immigration francophone».