Quelque part au début des années 80…

Quelque part au début des années 80…

Plus précisément au 260 rue Champlain, là où mes grands-parents Ti-Louis et Rose-Alma habitaient.   

La petite maison était une petite église en quelque sorte remplie de photos de la vierge Marie, de croix sur lesquelles on avait crucifié Jésus de Nazareth, d’une image du frère André et d’une autre de mère Térésa. Rentré chez Rose-Alma, c’était pour moi comme une messe.   

Ti-Louis assis dans sa berçante dans le coin gauche du salon, les deux pieds sur son pouffe. Ti-Louis ne parlait pas beaucoup, il était vraiment de peu de mots et moi ça m’a toujours intimidé.  

On arrivait souvent les premiers, on marchait du petit Canada jusqu’à la côte de sable. Une fois arrivés à l’intérieur, la chaleur nous embaumait littéralement! Il y avait une règle d’or chez Les Beauséjour, remplir le poêle à bois jusqu’à tant qu’on ait de la difficulté à fermer la porte.  

Moi j’allais tous suite dans la cuisine et la plus belle femme au monde était là dans son tablier fleuri du haut de ses 4’10 et ses 70 lb… Elle préparait des toasts sur le poêle. Même s’il n’était qu’autour de 9h, elle me donnait en cachette un gâteau Vachon que j’allais manger dans la cour à la vue de personne. Manger un passion flakie en cachette reste l’un de mes plus beaux souvenirs de vie. Je rentrais par la ‘’shed’’ la bouche pleine de crémage que ma mémère essuyait avec la débarbouillette du «cygne». C’était de la poésie, un tableau de Riopelle dans ma tête. Cette femme petite, mais forte était comme un régiment de soldat au complet. Ces femmes ont bâti Lachute à coup d’accouchement par-dessus accouchement. Ma grand-mère fragile avec son chapelet, sa chambre remplie de bondieuserie, fidèle à ses convictions. Quand j’étais petit, je croyais sincèrement que tu étais éternelle. Tu étais pour moi l’image de la force intérieure. Tu peux être sûr que si après la mort il y a quelque chose, je vais te chercher! Et je suis persuadé que tu vas encore me donner un gâteau Vachon.   

Cette fois-là, on irait le manger ensemble en cachette en arrière de la ‘’shed ‘’ du Bon Dieu. C’est puissant les beaux souvenirs.  

Bien entassé dans le salon ou dans la cuisine, la famille était presque complète, ma tante Thérèse et mon oncle Osias, du bon monde, ma tante Loulou, mon oncle Roland, ma cousine Nathalie. Je crois que François n’était pas encore né…  

 D’ailleurs ma tante Loulou faisait le meilleur ketchup aux tomates vertes que j’ai mangé dans ma vie. C’est un autre de mes beaux souvenirs. La nostalgie, c’est une drôle de patente comme la vie en elle-même d’ailleurs. Ma tante Pierrette descendait de la grande ville avec mon oncle Roland. Ma tante Francine, mon oncle Richard et leurs enfants juniors, Benoit et Karine, (les Girard comme on disait). Ils te vidaient ça une table remplie de manger.  Ma marraine Margot, son mari, Pierre-Paul mon cousin et Danièle ma cousine que j’aimais beaucoup. Je me souviens de la chambre de Pierre-Paul et de ses affiches de Kiss.   

Et parfois, une visite surprise arrivait de Montréal, l’aînée de la famille, Johnny, mon oncle qui a fait de la lutte à l’époque d’Yvon Robert.   

 Le monde a souvent été refait dans cette petite maison de rien. Ça jasait fort, ça parlait fort comme un Beauséjour, ça riait. Les enfants couraient sans cesse autour de la maison et on finissait toujours par se chicaner avec les Girard.  

La petite maison sur la côte de sable demeure un beau souvenir à l’infini.    

Dans le temps, même si on ne s’aimait pas toutes, on était quand même ensemble. Malgré les chicanes, malgré le temps, malgré la vie.  

 Et le 14 mai 1985 est décédé Rose-Alma. Je me souviens de l’appel chez nous au milieu de la nuit. J’ai souvenir des pleurs, des sanglots. Elle apportait avec elle un pan de notre histoire belle Rose-Alma. Elle a apporté avec elle ce qui nous tenait ensemble, elle en était la raison principale, belle Rose-Alma. Elle qui a prié toute sa vie, je lui souhaite qu’existe vraiment le paradis, c’est comme qui dirait conçu pour elle.  

 L’image la plus belle et la plus triste que je garde dans mes souvenirs, dans ma nostalgie, c’est Ti-Louis qui pleure à côté du cercueil de ma grand-mère.  Il ne veut pas la laisser partir pour son dernier repos.  

 Le 14 mai 1985 est morte aussi la grande famille avec ses qualités et ses défauts, ses joies et ses peines. La petite maison est devenue très triste par la suite. C’est comme si même la petite maison était pleine de chagrin et n’avait jamais arrêté de pleurer depuis ce jour.    

Je vais me souvenir de la ‘’shed’’ de Ti-Louis, rempli de haches, de bucksaw, de bretelles, de bûches de bois, d’huile de bras, de peine et de misère.  

Mémère y te restes-tu des gâteaux Vachon?  

 

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