La propriétaire Louise Lemieux remettra alors les clés de l’entreprise familiale à ses nouveaux propriétaires. C’est après avoir quitté leur ferme qui venait de passer au feu à Embrun en 1954 que les parents de Louise Lemieux ont fait l’acquisition de la petite épicerie d’un monsieur Valade, rue Laurier à Rockland. Il n’y avait pas grand monde à l’époque dans ce qui n’était qu’un tout petit village à majorité francophone à l’est de Cumberland et d’Ottawa. «Soixante-sept ans plus tard avec ses 24000 habitants, ce n’est plus le Rockland de ma petite enfance», souligne Mme Lemieux.
Avec les années, l’Épicerie Lemieux allait devenir un commerce très fréquenté par les familles des environs. «Après la mort subite de mon père qui n’avait que 50 ans en 1962, c’était tellement occupé à l’époque que c’est ma mère à 47 ans qui a dû prendre l’épicerie de quartier en charge, se remémore-t-elle. Comme elle avait encore 3 enfants à élever, il a bien fallu aider!»
La jeune Louise n’avait que 12 ans. Tout en poursuivant ses études, celle-ci travaillait tous les jours à l’épicerie. Comme les souvenirs se bousculent! Trop nombreux pour elle à tout raconter, elles aiment bien parler d’une époque où les boissons gazeuses comme les Pure Springs, Coka Cola et Seven up ne se vendaient qu’en bouteilles. «Les gens rapportaient leurs bouteilles vides pour lesquelles on leur donnait 5 sous pour les petites et 20 sous pour les grosses. Et puis, ajoute-t-elle, c’était aussi l’époque des timbres Gold Star qu’on accumulait en vue de les échanger pour des cadeaux, un peu comme ça se fait de nos jours avec les fameuses cartes-cadeaux.»
C’est Louise Lemieux qui a pris le commerce en charge lorsque sa mère est décédée en 1986. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne l’a pas eu facile lorsque les magasins à grande surface comme les Canadian Tire et les Food Basicsbasic et bien d’autres sont arrivés avec à Rockland les uns après les autres. C’est ainsi qu’elle a décidé de transformer son épicerie de quartier en dépanneur. Si les bons souvenirs ont continué de nourrir sa vie, ils ont quelques fois été accompagnés de mauvais souvenirs. «Trois fois, dit-elle, j’ai subi des cambriolages de jour comme de nuit!»
Puis, la pandémie est arrivée l’an dernier, ce qui a été pour Louise Lemieux, la goutte de trop, celle qui l’aura convaincu de vendre. «Avant la pandémie, j’ouvrais le Dépanneur Lemieux à 9 heures du matin, alors que maintenant je n’ouvre qu’à 14 heures.»
C’est là qu’elle s’est dit qu’à 72 ans bien sonnés, ça suffit! C’est le temps de vendre et d’envisager une retraite bien méritée. Une décision tout de même difficile, car pour cette femme d’affaires, le dépanneur Lemieux, c’est essentiellement le centre de sa vie. Toutefois sans doute résignée à passer à un nouveau chapitre, la retraite à la veille de commencer lui sourit.
C’est le 31 mai que Louise Lemieux, probablement les larmes aux yeux remettra les clés de son commerce à ses nouveaux propriétaires, des Indo-Canadiens. «Je pense que je vais me sauver de là sans plus tarder!» Ce qui la fait sourire à l’idée de la retraite, c’est sa passion pour le golf et les voyages dont elle a dû se passer jusqu’à maintenant. «Et qui sait, avoue-t-elle, peut-être que je devrais écrire un livre sur l’aventure du Dépanneur Lemieux.»