Jean-Philippe Gervais, économiste en chef de FAC, le confirme : «Même si nous avons traversé une année particulièrement volatile, le revenu agricole s’est amélioré en général et la demande globale de terres agricoles est restée vigoureuse tout au long de 2020.»
Il a spécifié en visioconférence qu’il y a quand même une bonne variabilité de l’augmentation et du prix des terres entre les régions d’une même province parfois.
Au Canada, la Colombie-Britannique et le Québec en tête
Au pays, c’est la Colombie-Britannique (8 %) et le Québec (7,3 %) qui ont enregistré les hausses les plus élevées en 2020. On note toutefois des écarts importants entre les provinces et entre certaines régions d’une même province.
Ainsi la voisine du Québec, l’Ontario, a enregistré une moyenne plus basse que la tendance nationale avec une hausse moyenne de 4,7 %. Le Manitoba est également inférieur à la moyenne du pays avec 3,6 %.
Les provinces maritimes sont celles ayant les plus faibles hausses moyennes. «La région a connu la pire sècheresse depuis des décennies pendant la période cruciale de la saison de croissance, ce qui a considérablement diminué la valeur des cultures commerciales et a créé des pénuries de foin et de fourrages,» explique le rapport.
Et en Ontario?
L’Ontario a connu une plus faible hausse du prix moyen de ses terres agricoles en 2020 avec 4,7 % comparativement à 2019 avec 6,7 %. Le Rapport souligne que «les valeurs variaient de stables à haussières, en raison de la forte demande et de l’offre limitée de terres disponibles dans de nombreuses régions de la province.»
La demande des terres agricoles par de «vastes exploitations agricoles intensives soumises à la gestion de l’offre, des producteurs de cultures commerciales et des agriculteurs à temps partiel», a influencé la hausse de la valeur des terres agricoles en Ontario.
Les terres entourant les centres urbains ou à proximité ont aussi eu une demande accrue d’agriculteurs à temps partiel sans oublier les investisseurs privés et les habitants des milieux ruraux.
Le nord et le sud de la province en général n’ont connu que de faibles hausses. Le Nord affiche une hausse moyenne de 3,2 %, alors que le sud de la province ne varie peu ou pas avec 0 % pour le Sud, 1,7 % pour le Sud-Ouest et 5,5 % pour le Sud-Est en raison de l’offre limitée de terre et d’une demande stable.
L’est de la province a quant à elle connu une hausse plus importante avec 6,4 % en comparaison avec l’an dernier qui était seulement de 2,3 %.
Le Centre-Sud de la province obtient encore une fois les valeurs à l’acre les plus importantes dépassant les 19 000 $. Les écarts de valeur varient de 12 000 $ à 25 800 $ pour le Sud-Ouest et de 11 200 $ à 32 900 $ pour le Centre-Ouest.
Pourquoi une hausse des prix des terres agricoles?
L’augmentation des revenus agricoles, surtout dans le domaine végétal et les faibles taux d’intérêt en 2020 sont deux facteurs qui expliquent en majeure partie la hausse du prix des terres agricoles à l’ensemble du pays.
«On a eu un taux moyen d’intérêt le plus bas historiquement, explique Jean-Philippe Gervais. […] on est arrivé à 2,2 % de taux d’intérêt moyens. On est parti de 3,5 % à 2,25 %, donc on a eu une diminution du taux d’intérêt de 1,25 %, ce qui est en réponse à la pandémie et à la crise économique.» Avec ce creux historique en cours d’année, 2020 se termine avec une moyenne de 2,7 %.
Mise en garde
En ce moment, la valorisation de la terre est très élevée par rapport aux revenus, dans un contexte de très bas taux d’intérêt. M. Gervais ne pense pas que les taux d’intérêt vont monter incessamment, mais sont, dans certains cas, déjà à la hausse.
L’économiste en chef de FAC émet cependant une mise en garde dans son rapport et en entrevue. Il conseille d’avoir une stratégie de gestion des risques solide pour faire face aux 12 prochains mois et même pour les cinq prochaines années.
L’économiste Gervais s’attend aussi à voir une augmentation pour le rapport de mi-année que FAC produit également.
«En ce moment il y a encore une demande très forte. […] En revanche, il y a des mesures qui vont évoluer dans l’année. Premièrement, ce sont les taux d’intérêt. Si on regarde les taux d’intérêt, on a une légère augmentation surtout à long terme.»
«Les taux d’intérêt à court terme ne vont pas bouger, mais on voit que les marchés anticipent.» Les taux d’intérêt à long terme eux bougent «parce que les marchés anticipent qu’il y a une reprise économique qui est sous-jacente et qui va être forte. […] Les taux d’intérêt ont commencé à monter, aucun doute là-dessus. Il reste que la Banque du Canada garde ses taux d’intérêt court terme très bas, donc c’est bénéfique, mais il faut faire attention à ceci», prévient-il.
Le deuxième phénomène qui va peut-être ralentir la demande, c’est la Chine et le nouveau variant de la peste porcine africaine.
L’économiste dénote beaucoup de questions qui sont encore incertaines telles que «Est-ce que la Chine à court terme va redevenir un importateur fort de viande? Et comment cela va-t-il influencer la reconstruction de leur cheptel?» C’est à surveiller.