Selon un sondage réalisé par la Sun Life, près des deux tiers (60%) des Canadiens éprouvent des problèmes de santé mentale actuellement (anxiété, stress, dépression et problèmes de dépendance) et plus de la moitié de ceux-ci (54%) ne reçoivent pas de soutien médical. Le coût des traitements (pour 25% de ces gens) et la honte (23%) sont les deux principaux obstacles qui les empêchent de demander de l’aide. Selon ce sondage, ce sont les femmes (62%) et les personnes âgées entre 18 à 34 ans (74%) qui ont le plus de problèmes de santé mentale.
En plus des inquiétudes concernant l’aide aux devoirs et la sécurité de leurs enfants, les mamans sont également plus susceptibles de se sentir coupables de ne pas passer du temps avec leurs enfants et de refuser des emplois ou promotions pour passer plus de temps avec leur famille.
Dre Louise Gendron, pédopsychiatre à la clinique de santé mentale-jeunesse CMSSS d’Argenteuil, s’inquiète aussi pour la toute petite enfance : « Des enfants de 1 ou 2 ans ont vu peu de monde dans leur vie jusqu’ici en raison du confinement. Quand leurs parents vont se mettre à les sortir, ça peut être tout un choc pour eux d’être en présence de plusieurs personnes alors qu’ils n’ont connu, pour la plupart, que leur famille immédiate depuis leur naissance. À cet âge-là, ils sont de vraies éponges mais le confinement les empêche de se développer normalement ». Dre Gendron, qui est grand-maman de jeunes enfants, s’inquiète aussi pour l’attachement que les enfants devraient normalement avoir envers leurs grands-parents à ce stade de leur âge.
Même si elle reconnaît que ces mesures de confinement étaient nécessaires pour notre santé physique, Dre Gendron pense toutefois qu’il y aura beaucoup de travail à faire en santé mentale. Elle estime que la majorité va réussir à s’en sortir mais ce qui l’inquiète surtout ce sont les enfants provenant de familles dysfonctionnelles, toujours un peu plus nombreuses dans les régions défavorisées. On risque de retrouver plus de négligence et d’abus chez les parents qui se retrouvent dans des situations fragiles, que ce soit au niveau de la santé physique, mentale ou encore économique.
« Au début de la pandémie, il y a eu moins de cas de dénonciations car les témoins étaient moins nombreux, comme les grands-parents ou les enseignants par exemple. Présentement, on remarque une augmentation des signalements à la DPJ. Quand les enfants ont pu retourner à l’école, ça a été une délivrance pour plusieurs d’entre eux et pour plusieurs parents aussi! », explique Dre Gendron qui précise que les enfants sont très influencés par la façon dont les parents vivent les situations difficiles. À sa clinique, on travaille donc beaucoup avec les parents afin de réduire leur taux d’anxiété, ce qui a un effet direct sur les enfants.
Du côté des adolescents, le manque de sport et de contact avec les amis a aussi un grand impact. Même si le confinement a augmenté le temps passé devant les écrans, Dre Gendron reconnaît que les réseaux sociaux sont très salutaires pour plusieurs. « À cet âge, les adolescents ont besoin de se développer une identité sociale en dehors de la famille. Ils ont besoin d’être des élèves, des employés, des coéquipiers, des chums ou blondes… Les réseaux sociaux aident beaucoup mais il reste que c’est juste du 2D. Plusieurs sens ne sont pas stimulés contrairement à quand on peut se voir en personne », explique-t-elle, rappelant aussi toutefois qu’il y a beaucoup d’intimidation qui se passe actuellement sur les réseaux sociaux.
Même si l’espoir semble renaître dans la population en raison de la vaccination, Dre Gendron mentionne que les mois de décembre et janvier ont été particulièrement difficiles : « Il n’y avait pas beaucoup de messages de Ça va bien aller dans cette période-là… L’être humain n’est pas fait pour vivre des stress prolongés. Il y aura sûrement des répercussions sur la santé physique et mentale de plusieurs à long terme. On risque de voir développer davantage de maladies cardiaques, de troubles anxieux et dépressifs ».
Jessica-Ellen Mitchell, travailleuse sociale au Centre Médical Argenteuil, indique que c’est difficile aussi pour les aînés : « Ils vivent la pandémie plus difficilement en ayant beaucoup de décès autour d’eux. Aussi, plusieurs ne connaissent pas assez la technologie pour utiliser des applications zoom par exemple et ainsi rester en contact avec leurs proches. ». Elle précise que le plus grand manque actuellement dans la région se retrouve au niveau de l’hébergement pour les hommes faisant preuve de violence. Mme Mitchell ajoute que la consommation élevée de drogues dans la région amplifie également les problèmes dûs au confinement.
Dre Gendron invite ceux qui s’en sortent bien de s’impliquer auprès de la population plus fragile, en faisant du bénévolat auprès des personnes âgées par exemple. Elle mentionne que les gens qui se sentent plus fragiles actuellement doivent être capable de le dire et d’aller chercher des ressources, que ce soit au Centre des Femmes, à la Citadelle, Tel-jeunes, au Centre de pédiatrie sociale ou en appelant au 811 entre autres. « Sur Facebook, on pense que ça va bien pour tout le monde. Ça fausse un peu les données. Il ne faut pas avoir peur de le dire si on a besoin d’aide! », conclut-elle.