«Je dirais qu’au référendum de 1995, c’est le moment où la francophonie hors Québec et les Québécois ont été les plus éloignés dans leur volonté de vivre en commun depuis les années 1960», estime le sociologue Joseph-Yvon Thériault, professeur à l’Université du Québec à Montréal.
Les années 1960 avaient été marquées par un évènement majeur dans les relations entre les francophones du pays, soit les États généraux du Canada français de 1967, qui ont réuni les forces vives et les représentants de toute la francophonie canadienne.
On considère généralement que c’est à ce moment que le Canada français a éclaté. Une motion visant à reconnaitre le droit du Québec à son autodétermination — bref, à décider de son indépendance — a planté le clou dans le cercueil.
«Et les francophones hors Québec ont refusé, à l’exception des Acadiens qui étaient plus près des Québécois aux États généraux que le reste de la francophonie hors Québec», souligne Joseph-Yvon Thériault.
Les délégués québécois ont voté à 98 % en faveur de la motion. Les Acadiens ont dit oui à 52 %, alors que le reste des délégués francophones l’on rejetée.
Les francophones de l’extérieur du Québec s’organisent
Au cours des années qui vont suivre, le Québec tentera de rebâtir des ponts sans grands succès.
Les francophones dans le reste du pays prendront du temps à s’organiser, mais en 1975, grâce à l’aide du gouvernement fédéral, les organismes porte-parole francophones créent la Fédération des francophones hors Québec (FFHQ), qui deviendra en 1991 la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA).
Cette première structure «politique» des francophones de l’extérieur du Québec survient alors que l’effervescence nationaliste est en pleine croissance au Québec et va bientôt atteindre son paroxysme : le Parti québécois, avec René Lévesque en tête, est élu en 1976 avec la promesse de tenir un référendum sur la souveraineté. Rien pour apaiser des relations déjà tendues entre les deux groupes.
«Les souverainistes n’ont jamais vraiment réussi à expliquer quel serait le sort des francophones vivant à l’extérieur du Québec dans le contexte de la séparation», soutient le professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa Benoît Pelletier.
«Certains souverainistes disaient qu’il n’y avait pas lieu de s’attarder à leur sort parce qu’ils étaient en voie d’extinction.»
Selon cet ancien ministre québécois des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne sous le gouvernement libéral de Jean Charest dans les années 2000, d’autres souverainistes se voulaient plus positifs en disant que «si le Québec devient souverain, la langue française va tellement rayonner que ça va rejaillir à l’extérieur du territoire du Québec et que ça va profiter aux francophones du Canada sans le Québec».