L’étude, publiée en anglais dans l’édition de juin 2019 de la revue scientifique Preventive Medicine Reports, examine l’impact des écrans sur le bien-être des ados. « Le temps passé devant les écrans n’est pas un passe-temps inoffensif, sans conséquence », met en garde la chercheuse principale, Caroline Fitzpatrick, professeure en psychologie à l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse.
Pour en arriver à ces conclusions, les chercheurs ont établi des corrélations entre le nombre d’heures passées sur différents types de médias — ordinateurs, téléphones portables ou tablettes — et des indicateurs de bien-être, à savoir la réussite scolaire, l’estime de soi, le niveau d’attachement envers l’école, la victimisation des pairs, l’activité physique et les habitudes alimentaires. Résultats : « On a trouvé des associations dans l’ensemble négatives. »
Ados et écrans ne font pas bon ménage
Les résultats de cette étude corrélationnelle semblent fiables puisque l’échantillon utilisé est représentatif de la population canadienne, avec plus de 40 000 adolescents sondés, de la 7e à la 12e année. Les données ont été obtenues en exploitant les chiffres de la grande Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les jeunes de 2012-2013. « On peut s’attendre à des niveaux encore plus élevés aujourd’hui », suspecte la chercheuse.
En moyenne, les adolescents canadiens passent un peu moins de cinq heures par jour sur les écrans, alors que les recommandations canadiennes sont de moins de deux heures. Aussi, avec cette étude, Caroline Fitzpatrick espère sensibiliser le public sur les conséquences d’un usage excessif. « Les corrélations deviennent plus importantes avec les groupes de jeunes qui utilisent les médias plus de quatre heures par jour », souligne-t-elle.
L’enjeu n’est pas mince selon la chercheuse. « Ça peut représenter un problème de santé publique. Commencer par faire moins d’exercice physique quand on est adolescent, plus tard quand on est adulte et que l’on continue sur la même trajectoire, ce sont des risques qui s’accumulent. »
D’après elle, l’usage des médias devrait se concevoir comme un régime : « Il faut les doser et les utiliser avec modération. Il faut aider les personnes à faire des choix plus sains et plus équilibrés. » Au-delà de la simple restriction du temps d’utilisation, la chercheuse encourage une diversification des activités chez les jeunes. « Il faut s’assurer qu’il y a d’autres activités enrichissantes dans la vie des jeunes », avise-t-elle.
Que du mauvais dans les écrans?
Malgré tout, la chercheuse n’exclut pas les effets positifs des médias. Le temps passé pour accomplir des travaux scolaires ne compte d’ailleurs pas dans les effets négatifs. De même, leur usage peut alimenter la curiosité des jeunes, entretenir les relations amicales et familiales via les applications de chat telles que Skype, voire même briser l’isolement. « Internet est un outil qui peut créer des connexions et des communautés virtuelles qui peuvent venir en aide à certains jeunes, comme les jeunes LGBTQ en milieu rural. »
Bien que l’étude ne se penche pas sur le type de contenus consultés, les chercheurs émettent l’hypothèse « que certains contenus sont plus dommageables que d’autres ». En outre, les causes des corrélations observées restent à élucider : « On ne sait pas toujours si A cause B, ou si B cause A. Il est possible que les jeunes avec moins d’estime, qui font moins d’exercice et qui ont de moins bons résultats scolaires se tournent vers les écrans », concède Caroline Fitzpatrick, qui tentera désormais de répliquer les résultats de cette étude avec des données québécoises.