Une expo pour ne pas oublier l’Ukraine

Par Francis Legault
Une expo pour ne pas oublier l’Ukraine
Jean Kazermirchuk présente une exposition de gravures traitant de l’Ukraine et de la guerre qui y fait actuellement rage. (Francis Legault, EAP)

Jusqu’au 15 septembre, le Centre d’art d’Argenteuil présente l’exposition Mon combat pour l’Ukraine de l’artiste Jean Kazemirchuk. L’artiste d’Oka revendique ainsi ses origines ukrainiennes tout en rappelant aux visiteurs de ne pas oublier la guerre qui se déroule dans ce pays.

Comme son nom le laisse présager, Jean Kazemirchuk a des origines ukrainiennes. Ses grands-parents ont émigré de leur village situé à la frontière entre l’Ukraine et la Roumanie au début du XXe siècle. L’artiste représente ainsi la deuxième génération de sa famille née au Québec.

Cependant, être un Kazemirchuk dans le Québec des années 50, en pleine Guerre froide, a eu des conséquences : pendant son enfance, il a souvent été victime d’intimidation en raison de ses origines.

« Ça m’a affecté toute ma vie jusqu’à un certain point, confie-t-il. Chaque fois que je vais quelque part et qu’on me demande mon nom, je suis obligé de l’épeler. Ce n’est pas grave mais cela fait en sorte que l’Ukraine, même si je n’y suis jamais allé, c’est très présent dans ma vie. »

Alors lorsque la Russie a décidé d’envahir le reste de l’Ukraine le 24 février 2022 (les Russes tenaient déjà le territoire ukrainien de Crimée depuis 2014), Jean Kazemirchuk a réagi.

« À partir du moment où la Russie a envahi l’Ukraine, dans les semaines qui ont suivies, j’ai fait cinq gravures, raconte-t-il. Cette guerre-là m’affecte, même si je suis de la deuxième génération [née au Québec]. »

Trois séries

L’exposition proposée par l’artiste présente une trentaine de gravures réalisées en trois séries différentes. Les premières ont été faites dès les premiers jours de la guerre en 2022 tandis qu’une vingtaine d’autres ont été faites en 2023. Celles-ci sont inspirées d’images de la guerre que l’artiste a prises sur Internet et qu’il a modifiées, afin de montrer tous les ravages du conflit.

Une quinzaine d’autres gravures ont été réalisées au cours des derniers mois, après que monsieur Kazemirchuk ait obtenu des bourses du Conseil des arts et lettres du Québec et de la MRC de Deux-Montagnes. Celles-ci sont plutôt basées sur l’histoire de l’Ukraine avant la présente guerre et sur sa famille.

« J’ai commencé avec mes ancêtres, avec des portraits de mes arrières-grands-parents, de mes grands-parents et de mon père, explique l’artiste à propos de cette dernière série. J’ai ensuite fait des choses plus légères pour montrer que l’Ukraine, ce n’est pas juste la guerre. Mais quand tu fouilles, tu te rends compte qu’il y a eu d’autres drames : il y a l’Holodomor, Tchernobyl, le massacre de Babi Yar… Je ne pouvais passer à côté de ça. »

Ne pas oublier

Monsieur Kazemirchuk indique qu’il ne croit pas avoir encore de la famille en Ukraine, la Deuxième Guerre mondiale et l’Holodomor (une famine provoquée par les autorités soviétiques qui aurait fait jusqu’à 5 millions de morts en Ukraine entre 1932 et 1933) ayant vraisemblablement exterminé les membres de la famille de ses grands-parents restés là-bas. Cependant, cela ne veut pas dire que l’artiste ne trouve pas important de rappeler ce qui se passe dans le pays de ses ancêtres.

« Pendant la première année de la guerre, tout le monde en parlait, tout le monde était touché par ça. À tous les bulletins de nouvelles, on en parlait, rappelle-t-il. Mais maintenant, on est rendu ailleurs : on se gargarise des Jeux olympiques où le Canada a obtenu 27 médailles. C’est d’un ridicule consommé! Pendant ce temps, cette guerre se passe, tout comme il y a quelque chose de grave qui se passe à Gaza. »

« Mon message est qu’il faut arrêter la guerre, poursuit-il. Il ne faut pas oublier cette guerre, ni aucune guerre dans le fond. Je sais que je rêve en couleurs en pensant qu’il n’y aura plus de guerre mais il faudrait essayer de ne pas oublier celles qui se passent présentement et les gens qui meurent. »

Outre ses gravures, l’artiste, qui compte 40 ans d’expérience comme directeur artistique en cinéma, est aussi peintre et une de ses toiles est aussi exposée au Centre d’art pendant la durée de cette exposition.

Notons également qu’en parallèle se déroule l’exposition Fragments de l’artiste peintre de Brownsburg-Chatham Suzanne de Carufel. L’Argenteuil n’a malheureusement pas pu s’entretenir avec l’artiste en raison d’ennuis de santé.

Les deux expositions se poursuivent jusqu’au 15 septembre au Centre d’art d’Argenteuil (585, rue Principale, Lachute).

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