Le village de Saint-André-d’Argenteuil fête cette année son 225e anniversaire de fondation. Le 7 juin dernier, la municipalité a profité de sa traditionnelle Fête du bon voisinage pour souligner l’événement avec une visite historique de certains lieux.
Encore une fois cette année, la route du Long-Sault a été fermée à la circulation automobile en après-midi du 7 juin afin de permettre au public de profiter des activités offertes lors de la Fête du bon voisinage. Jeux gonflables, démonstrations des pompiers et kiosques d’informations, de boutiques et d’artisans étaient au menu. En soirée, le groupe Henri Band a offert une prestation sur la scène montée sur les terrains de la boutique Speed Trix.
Le leader de la formation musicale, Robert Simard, avait cependant eu un autre rôle à jouer plus tôt lors de cette journée. En tant que directeur général du Musée régional d’Argenteuil, il a animé une tournée historique du village, présentant certains lieux qui ont marqué l’histoire de Saint-André-Est, fondé sous le nom de St-Andrews.
« C’est le major Patrick Murray qui est à l’origine du village de St-Andrews, explique monsieur Simard. La terre était sise sur les rives de la rivière des Outaouais. Il a pris le lot #12 du pied du Long-Sault et, en 1800, il y a fait du lotissement dans le but de créer un noyau villageois. Il a vendu ces petits lopins de terre et le village s’est développé entre la rive ouest de la rivière du Nord et la rive est de la rivière des Outaouais. »
D’ailleurs, monsieur Simard souligne que certains de ces lots, notamment le long de la rue de la Seigneurie, n’ont pas changé depuis qu’ils ont été créés il y 225 ans.
Développement
Bien que St-Andrews est en quelque sorte fondé en 1800, l’histoire de territoire remonte à bien plus longtemps avant. Les Premières nations ont occupé ces terres depuis au moins 6000 ans avant que les Européens ne fondent la Seigneurie d’Argenteuil en 1680. Il faudra cependant attendre à 1722 avant que les premiers colons ne viennent s’y installer puisqu’il était auparavant difficile pour la colonie d’assurer la protection de ceux-ci.
La Seigneurie d’Argenteuil appartiendra à la famille d’Ailleboust de sa fondation jusqu’en 1781 lorsque Pierre-Louis Panet en prend possession. Il sera le premier seigneur à prendre des mesures pour inciter les colons à s’établir le long de la rivière du Nord, notamment en y construisant les premiers moulins à blé et à scie en 1783. Il vendra la seigneurie au major Patrick Murray dix ans plus tard.
D’origine écossaise, Murray donnera le nom de St-Andrews au village, en l’honneur du saint patron des Écossais. On ajoutera un peu plus tard « East » au nom afin de différencier le village de celui de St-Andrews-West, situé au nord de Cornwall.
Dès le départ, St-Andrews est le chef-lieu de la Seigneurie d’Argenteuil en raison de son poids économique. Non seulement on y trouve un moulin à blé et un autre à scie, on y construira en 1803 le tout premier moulin à papier du Canada. L’endroit est aussi une plaque tournante pour les produits agricoles du secteur : le terrain en forme de triangle formé par les rues de la Seigneurie, St-Germain et du Prince-Édouard, que l’on peut voir encore aujourd’hui, était un lieu de rendez-vous important.
« C’est là que se trouvait le marché public, rappelle Robert Simard. Les gens venaient de partout et d’aussi loin que de Chatham. Il y a déjà eu à cet endroit un terrain de crosse et, plus tard, de tennis. »
L’Exposition agricole d’Argenteuil, qui fête cette année son 200e anniversaire, aurait d’ailleurs débuté à cet endroit.
Quant aux habitants, bien que les premiers colons étaient d’origine française, le début du XIXe siècle vit l’arrivée non seulement de Loyalistes mais aussi de Patriotes américains voulant éviter la montée du puritanisme aux États-Unis.
« Les ennemis d’hier sont devenus des voisins ici et ils ont été obligés de faire avec, illustre monsieur Simard. St-André est un microcosme de populations de plein d’origines. Il y a d’abord eu des Américains, puis des Écossais et ensuite des Irlandais en plus des francophones qui étaient déjà là. »
L’historien mentionne qu’il y a déjà eu jusqu’à sept églises de confessions différentes uniquement dans le village de St-Andrews au milieu du XIXe siècle, alors que l’on comptait une population d’environ 1500 résidents comparativement à seulement 200 dans le hameau qui deviendra plus tard Lachute.
Passer à côté de son histoire
De chef-lieu d’Argenteuil, St-Andrews-East a perdu de son importance dans la seconde moitié du XIXe siècle au profit de Lachute pour devenir le petit village bucolique que l’on connaît aujourd’hui.
« St-André est comme passé trois fois à côté de son histoire. Il aurait pu continuer à être le chef-lieu, explique Robert Simard. D’abord, en 1828, quand on a construit le Canal de Carillon, il y a eu des propositions pour que le canal passe dans le village. On voulait que le canal traverse jusqu’à l’Île-aux-Chats avant de prendre le chemin du ‘feeder’ pour éviter la grande chute de Carillon. Ça aurait favorisé le développement économique du village mais ça ne s’est finalement pas fait en raison de la différence de prix. »
La deuxième fois que St-André aurait pu consolider son avantage économique, ce fut en 1874. À l’époque, le village était en compétition avec Lachute pour accueillir le tracé du chemin de fer du Canadien Pacific. Lachute avait cependant un argument de poids : la puissance de la rivière du Nord.
« À St-André, le niveau de la rivière varie au point que des fois, ça devient comme un ruisseau. C’était difficile pour attirer de grandes industries alors que l’on comptait encore sur le pouvoir de l’eau pour faire fonctionner les usines, mentionne monsieur Simard. À Lachute, il y avait un pouvoir d’eau incroyable avec la chute justement. J. C. Wilson et Thomas Ayers ont décidé de s’établir là-bas et ils avaient besoin d’un moyen de transport pour faire écouler leurs marchandises et emmener les matières premières. C’est pour ça que le train est passé par Lachute. »
Finalement, la troisième fois fut beaucoup plus récemment : dans les années 1960, lors de la planification de l’aéroport de Mirabel, un réseau d’autoroutes est aussi dans les cartons pour favoriser son accès, incluant l’autoroute 50. Fait méconnu du public, l’autoroute 9 est planifiée pour relier la 50, à Lachute, et la 40, à Pointe-Fortune, en passant par St-André. Le projet ne s’est (heureusement?) jamais réalisé et seul un espace pour accueillir un échangeur entre les deux chaussées de la 40, juste avant la frontière ontarienne, subsiste aujourd’hui comme témoin de ce plan.
Vers St-André-d’Argenteuil
Malgré tout, St-Andrews-East continue à se développer au fil des décennies jusqu’au début du XXe siècle. « De 1815 jusqu’à 1900, St-André est une communauté anglophone et riche, commerçante et voyageuse, indique monsieur Simard. Pourquoi le Musée régional d’Argenteuil existe est que les gens voyageaient et rapportaient des souvenirs, ce qui fait que l’on a dans notre collection une défense de mammouth et un bouclier zoulou notamment. Quant est venu le temps de créer le Musée, ces gens lui ont remis ça, ce qui fait que l’on a une collection très riche. »
Mais au tournant du siècle, de petite ville industrielle, St-Andrews est devenu un village agricole et de villégiature et la communauté anglophone a cédé sa place aux francophones.
« De 1900 à 1910, c’est devenu 50-50 entre les deux communautés. Avec les guerres et l’industrialisation, on a vu le changement s’accentuer, ajoute l’historien. Si en 1850 c’était 87 % d’anglophones et 13 % de francophones, aujourd’hui c’est le contraire et encore! »
Parallèlement, le nom du village se francise et devient St-André-Est. Au tournant des années 2000, le village fusionne avec la municipalité de paroisse du même nom ainsi que le village de Carillon pour former St-André-d’Argenteuil. Pour la plupart des gens qui ont pris part à la Fête du bon voisinage du 7 juin dernier, l’endroit reste cependant un lieu où il fait bon vivre avec un cachet spécial.
« Ce qui est beau de St-André, c’est que ça a conservé son apanage du XIXe siècle. On le sent dans son patrimoine bâti et la rivière est restée aussi sauvage qu’au début », conclut Robert Simard.