Une motion sur les langues officielles ravive les tensions au conseil municipal de Casselman

Par Gabrielle Vinette - IJL-Réseau.Presse-Reflet
Une motion sur les langues officielles ravive les tensions au conseil municipal de Casselman
Le conseil de Casselman adopte une motion linguistique controversée, exigeant des réponses dans la langue utilisée par les citoyens lors des réunions municipales. (Photo : Photo d'archives)

Une motion visant à encadrer l’usage des langues officielles lors des réunions du conseil municipal de Casselman a déclenché une vive controverse, aussi bien autour de la table du conseil que sur les réseaux sociaux. À l’origine d’un débat complexe sur l’inclusion, la représentativité linguistique et la liberté d’expression, la motion a néanmoins été adoptée, malgré l’opposition de la mairesse Geneviève Lajoie.

Lors de la séance du conseil de mardi, les discussions ont été particulièrement agité. C’est le conseiller Paul Groulx qui a déposé l’avis de motion, en réponse aux préoccupations de citoyens francophones qui ont exprimé leur frustration de recevoir uniquement des réponses en anglais à des questions posées en français. 

La motion propose que, lorsqu’un résident s’adresse au conseil dans l’une des langues officielles, les élus lui répondent dans cette même langue. Elle prévoit aussi que des formations soient offertes aux élus municipaux qui ne sont pas en mesure de s’exprimer adéquatement dans l’autre langue officielle. 

Des critiques sur les capacités linguistiques de la mairesse 

La mairesse Geneviève Lajoie, dont le français est sa langue maternelle, a reconnu publiquement ses difficultés actuelles à s’exprimer de manière précise et détaillée en français. Élue en 2022, elle avait promis de suivre des cours de langue, un engagement qu’elle affirme continuer à respecter. Toutefois, cela n’a pas apaisé les critiques de certains membres de la communauté francophone, qui jugent inadmissible de ne pas recevoir de réponses en français à leurs questions. 

Le conseiller Sylvain Cléroux a tenté d’apaiser les tensions en précisant que la motion ne visait aucun élu en particulier, y compris la mairesse. La conseillère Anik Charron, de son côté, a regretté qu’un autre membre du conseil n’ait pas pris le relais pour répondre en français aux citoyens concernés. 

Malgré les réserves exprimées, la motion révisée, incluant l’anglais et le français de manière équitable, a été adoptée avec le soutien des conseillers Charron, Groulx, Cléroux et Francine Leblanc. Seule la mairesse s’y est opposée. 

« Imposer une langue, ce n’est pas de l’inclusion », a-t-elle écrit dans un long message publié sur Facebook. 

La mairesse redoute des contestations juridiques 

Geneviève Lajoie a mis en garde contre les implications juridiques potentielles d’un tel règlement. Selon elle, cela pourrait contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés et entraîner des frais juridiques importants pour la municipalité de Casselman. Elle affirme toutefois que son objectif demeure d’assurer l’équité pour tous les résidents, et que l’inclusion linguistique doit passer par le respect du choix, non par la contrainte. 

Le conseil a ainsi mandaté le personnel municipal de produire un rapport évaluant la faisabilité et la légalité d’une telle mesure. Ce rapport devra être remis au plus tard le 24 juin, pour permettre une éventuelle modification du règlement de procédure lors de la réunion du 26 août 2025. 

Soutien de l’ACFO, débats en ligne et critiques citoyennes 

La démarche a reçu l’appui de l’Association canadienne-française de l’Ontario de Prescott et Russell (ACFO Prescott et Russell), qui milite depuis longtemps pour la protection des droits linguistiques dans la région. 

Cependant, la motion a également soulevé de vifs débats en ligne. Sur sa page Facebook, la mairesse Lajoie a dénoncé la version initiale de la motion comme étant coercitive et contre-productive, et a réaffirmé son engagement envers la francophonie à travers des actions concrètes. « J’ai dirigé des réunions bilingues, soutenu des organismes francophones, milité pour une signalisation bilingue, et même lancé un programme Service Langue pour aider les anglophones à servir le public en français. J’ai fièrement organisé une vigile francophone et j’ai intégré la promotion de notre culture dans notre plan stratégique. » 

Parmi les voix critiques, celle du résident Sylvain Côté a particulièrement retenu l’attention. Dans un commentaire, il a reproché à la mairesse de ne pas maîtriser suffisamment le français et de décevoir les attentes des citoyens francophones de Casselman. Il a aussi dénoncé ce qu’il perçoit comme une « pure mascarade d’impérialisme anglophone ». 

La réponse de la mairesse a été ferme et sans équivoque. Elle a accusé son interlocuteur de « gatekeeping linguistique » et d’hypocrisie culturelle. « Vous prétendez défendre la francophonie, mais votre méthode consiste à humilier, exclure et rabaisser une personne qui consacre chaque jour à défendre l’inclusion — y compris la protection de la culture francophone à Casselman. » 

Elle a également souligné son identité francophone et autochtone, affirmant qu’elle n’avait pas à prouver sa légitimité selon des critères linguistiques étroits. « Je ne dirige pas par la peur. Je dirige avec courage. Et je ne suis pas ici pour réussir à votre test. Je suis ici pour bâtir une municipalité qui n’en a pas besoin. » 

Vers un Casselman bilingue… par choix ou par obligation? 

La motion adoptée ne constitue pas encore un changement de règlement, mais elle marque un tournant dans la conversation sur le bilinguisme institutionnel à Casselman. Le rapport attendu en juin pourrait bien définir la prochaine étape. 

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