Alors que le gouvernement du Québec oeuvre à l’élaboration de nouvelles cartes des zones inondables de la province, la MRC d’Argenteuil a décidé de diffuser la version préliminaire non-officielle de celle de la rivière des Outaouais. Par ce geste, la MRC demande plus de transparence de la part du gouvernement dans ce dossier et d’être plus souple lorsque viendra le temps d’appliquer le nouveau cadre réglementaire.
La MRC d’Argenteuil n’est pas seule dans ses demandes : les MRC de Vaudreuil-Soulanges et de Deux-Montagnes ont elles aussi dévoilé la carte préliminaire non-officielle des nouvelles zones inondables de la rivière des Outaouais en même temps qu’Argenteuil le 20 novembre dernier. La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) avait fait de même plus tôt cet automne pour certains cours d’eau de son propre territoire.
Pourquoi diffuser des cartes qui ne sont pas encore officielles et qui pourraient changer d’ici leur adoption par Québec dans quelques mois, peut-être d’ici le printemps prochain? L’objectif des diverses instances municipales concernées est la même : mettre de la pression sur le gouvernement provincial afin qu’il soit plus transparent avec le public dans ce dossier mais aussi d’afficher une plus grande souplesse dans l’application de la future réglementation.
« Les cartes ne sont pas encore officielles ni en vigueur. Elles sont en cours d’élaboration mais elles sont très avancées, prévient Éric Pelletier, directeur général de la MRC d’Argenteuil. Le public sait que ça s’en vient et se pose beaucoup de questions. »
« Actuellement, le gouvernement s’en remet aux MRC et municipalités afin de rendre publiques les cartes et de les expliquer à la population. Ça ne devrait pas être ainsi : ça devrait être le gouvernement qui présente le dossier aux citoyens, dénonce le préfet de la MRC d’Argenteuil, Scott Pearce. On veut que le gouvernement explique ce qui va changer [avec les nouvelles cartes]. On veut aussi qu’avec le nouveau cadre réglementaire, qu’il fasse preuve de souplesse dans son application. »
D’ailleurs, le conseil des maires d’Argenteuil a adopté une résolution, en octobre dernier, reprenant les demandes formulées par le préfet devant les médias locaux. On veut notamment que les nouveaux règlements de construction dans les zones inondables facilitent les projets qui intégreront des notions de résilience face aux inondations.
Notons que des cartes des zones inondables sont actuellement en cours d’élaboration pour d’autres cours d’eau d’Argenteuil, dont les rivières Rouge et du Nord. Celles-ci n’ont pas encore été divulguées.
De la fréquence à l’intensité
Auparavant, les zones inondables étaient déterminées selon la fréquence des inondations, soit 0-20 ans et 20-100 ans. Les inondations catastrophiques de 2017, puis de 2019, ont poussé le gouvernement provincial à revoir ce modèle.
Dans les futures cartes, on parlera plutôt d’intensité des inondations : on se basera alors sur la hauteur que peut atteindre le niveau de l’eau sur un terrain inondé, couplé à la fréquence que cela peut se produire. Par exemple, si l’eau peut atteindre plus de 30 centimètres de hauteur sur un terrain qui a 70 % de chance d’être inondé au moins une fois par 25 ans, on parlera d’une intensité d’inondation très élevée. À l’inverse, sur un terrain qui n’a qu’entre 7 et 20 % des chances d’être inondé une fois par 25 ans et où l’eau ne montera pas plus haut que 30 centimètres, on parlera alors d’une intensité d’inondation faible. Entre les deux, on retrouve les intensités élevée et modérée.
« Plus on est submergé, plus on est à risque et donc, plus il y a de restrictions qui s’imposent en termes de construction, illustre Stéphanie Morin, coordonnatrice du service de l’environnement à la MRC d’Argenteuil. On passe d’une carte à deux couleurs à une qui en a quatre. »
En effet, avec cette nouvelle catégorisation des zones inondables, les restrictions quant à la construction ou l’agrandissement de bâtiments varient selon la classe d’intensité. Évidemment, les restrictions sont plus importantes pour les secteurs d’intensité très élevée par rapport aux secteur à faible intensité.
Cependant, les changements à la réglementation de construction en zone inondable ne devraient pas être trop importants si l’on compare aux restrictions déjà en place. En 2019, le gouvernement avait instauré la Zone d’intervention spéciale (ZIS) pour les secteurs en zone inondable avant de la remplacer par un régime transitoire en 2022. La future nouvelle réglementation devrait être une version améliorée de ces précédents régimes réglementaires.
« On reprend essentiellement les dispositions du cadre transitoire dans lequel on a apporté des ajustements. Il y a une trentaine de règlements qui ont été modifiés et trois qui ont été ajoutés », indique Éric Morency, directeur du service d’aménagement du territoire à la MRC d’Argenteuil.
« C’est un régime relativement complexe que le gouvernement s’apprête à mettre de l’avant, prévient-il cependant. On demande plus de souplesse car il y a un mécanisme qui y a été intégré, le Plan de gestion des risques liés aux inondations. Ça peut poser problème lorsqu’on essaie d’avoir une vision intégrée d’un secteur de développement. La souplesse que l’on demande serait que ces Plans de gestion aient une portée plus large et que l’on fasse confiance au milieu municipal d’être capable d’aménager de façon résiliente certaines portions des zones inondables. »
Monsieur Morency souligne que, même si ce sera aux MRC et municipalités à appliquer la réglementation concernant la construction en zone inondable, ces règles et ces nouvelles cartes sont élaborées par Québec. Il rappelle donc qu’Argenteuil a pris la liberté de dévoiler ces cartes préliminaires non-officielles pour la rivière des Outaouais de son propre chef afin que les citoyens puissent se renseigner auprès du gouvernement provincial des changements que cela aura sur leurs terrains.
Quelques changements
Dans les cartes qui ont été dévoilées, les zones inondables le long de la rivière des Outaouais touchent trois des quatre municipalités d’Argenteuil bordant ce cours d’eau. Seule Brownsburg-Chatham n’a pas de zones inondables le long de cette rivière.
Selon monsieur Morency, les secteurs d’intensité très élevée et élevée étaient essentiellement déjà reconnus sur les anciennes cartes, dans les zones 0-20 ans. « Les territoires qui seront [nouvellement inclus dans la zone inondable], ce sont les secteurs dits d’intensité faible, dit-il. Cependant, il y a là aussi des secteurs que l’on avait déjà identifiés auparavant. Il n’y aura pas tant de superficie qui sera ajoutée aux zones inondables. »
Selon la MRC, moins d’une centaine de résidences verront des changements quant à la zone inondable de la rivière des Outaouais.
« Le volet cartographie, on laisse ça aux scientifiques. Ce n’est pas aux citoyens de déterminer c’est quoi son risque chez eux, lance Éric Pelletier. Par contre, c’est sur le cadre réglementaire que les citoyens devraient se prononcer et ils doivent lever la main pour dire ce qu’ils ont à dire. »
Quant à savoir l’impact financier que ces changements de cartographie pourraient avoir sur la valeur des résidences concernées, la MRC se montre prudente.
« C’est difficile à dire. Au niveau des valeurs foncières, il faut voir comment le marché va se comporter, indique Frédérick Jones, directeur du service de l’évaluation de la MRC. Si les gens continuent de s’intéresser à ces résidences et à les acheter à des valeurs intéressantes, théoriquement, sur le base de l’évaluation, il n’y a pas de raison que ça diminue. L’évaluation va suivre les tendances du marché. Est-ce que les gens vont commencer à être plus réticents à aller s’installer dans ces secteurs? C’est une possibilité mais pour l’instant, en terme de valeur de bâtiment, il est trop tôt pour se prononcer. »
On peut consulter la carte des zones inondables de la rivière des Outaouais sur le site web de la MRC d’Argenteuil (argenteuil.qc.ca), dans la section « Cartographie préliminaire non-officielle des zones inondables de la rivière des Outaouais » sous l’onglet « Services ». On y retrouve aussi divers liens sur différents volets que cette nouvelle cartographie apportera.