C’est avec ces mots que le docteur en médecine familiale de Lachute s’est exprimé dans une entrevue avec la journaliste Justine Dufour alors que plusieurs d’entre eux craignent pour la qualité des soins offerts en région. Le 24 avril dernier, le CISSS des Laurentides a annoncé par courriel et mis en vigueur incessamment pour le mois de mai un projet pilote de fermeture du service de radiologie, c’est-à-dire les scans, les échographies et les radiographies de nuit. «Ça nous a été présenté comme un projet pilote. Habituellement, un projet pilote est instauré dans le but d’améliorer les choses et les services. Mais là, on était vraiment devant un retrait de service, indique Dr Vanessa Tremblay, spécialiste en médecine interne à l’hôpital de Lachute depuis 3 ans. Je siège à la Table des chefs du CISSS des Laurentides pour Saint-Jérôme et Argenteuil, et le mois précédent, on nous a même dit, le problème des technologues à Lachute, c’est réglé et on n’est plus obligé d’en parler. Nous n’avons eu aucun préavis de cette décision.»
Puisqu’aucun technologue ne sera sur place à Lachute, entre 19 h et 7h, les deux ambulances d’Argenteuil seront dirigées vers les hôpitaux de Saint-Jérôme et de Saint-Eustache, déjà débordés par leur clientèle. À titre d’exemple, tous les accidentés de la route du grand territoire d’Argenteuil seront dirigés vers Saint-Jérôme ou Saint-Eustache mobilisant les ambulances pour de longues périodes de temps. Les patients qui se présenteront à l’hôpital devront soit attendre sur une civière ou soit repartir pour revenir le lendemain pour avoir un examen. «Le gouvernement nous parle de délais sur civière, des délais de temps d’attente à l’urgence et cette décision ne fait que les augmenter, constate Dr Tremblay. Ça crée des délais de diagnostics et ça peut aussi créer des préjudices pour la santé des patients.»
Un comité « Sauvons l’hôpital de Lachute » a été mis sur pied pour presser les élus locaux et gouvernementaux ainsi que la directrice générale du CISSS des Laurentides, Rosemonde Landry, de changer cette décision. Selon le Dr Tremblay, la radiologie était occupée toutes les nuits et les effets se font déjà ressentir. «On est en 2023, on n’est pas en 1960!, lance la femme médecin qui pratique aussi en GMF à Blainville. Ça implique les radiographies de la tête, on ne veut pas le savoir 12 heures plus tard, si ça saigne dans la tête.»
Lundi dernier, le CSSS des Laurentides annonçait des investissements pour permettre davantage de soins à domicile pour les aînés. Dr Deschênes raconte sur les ondes de CIME qu’il aura pris plus de 24 h pour traiter une patiente de 92 ans avec de l’eau sur les poumon envoyé par ambulance, ce qui a entraîné son hospitalisation pour plusieurs jours. Si elle avait été vue plus rapidement sans cette réduction de service, on aurait pu éviter cette hospitalisation. «La radiologie, c’est capital pour effectuer des diagnostiques. On a des patients dans Argenteuil qui sont hospitalisés. Que fait-on entre 8h le soir et 8h le matin? Il y a un enjeu de sécurité. Si un patient devait moins bien aller, c’est-à-dire que sa condition médicale se dégradait et qu’on devait faire un scan ou une radiographie, on n’y aurait pas accès.» Le Dr Deschênes ajoute que ces services sont un service minimal pour la qualité des soins en 2023. Dr Tremblay ajoute aussi qu’une infirmière doit accompagner le patient en ambulance, ce qui réduit les effectifs sur le plancher durant la nuit. «Ce qu’on peut déduire, c’est que Lachute est traité comme un hôpital secondaire. On nous enlève des ressources constamment. Comme médecin, on veut donner des soins optimaux aux patients et quand on n’a pas les ressources pour le faire, c’est plus stressant et moins satisfaisant.» Les médecins ont peur de l’exode de personnels qualifiés, autant les médecins que les infirmières, que les technologues.
Dr Deschênes et Dr Tremblay ajoutent que les 35 millions $ dépensés en Ontario pour la clientèle qui se dirige vers Hawkesbury, à quelques kilomètres, est aussi un fléau pour le trésor québécois.
Beaucoup de services ont été retirés à l’hôpital de Lachute. En 2013, on enlevait les soins intensifs, faute de médecins, disait-on. Depuis, on a retiré les services d’ECG (échographies cardiaques); très peu de chirurgies sont encore pratiquées (quelques colonoscopies ou chirurgies mineures), la clinique de diabète a été transférée, etc. Des services qui pour une clientèle vieillissante (25% de la population a 65 ans et plus) et moins nantie peuvent être plus difficiles à obtenir en étant à plusieurs kilomètres (transport en commun déficient), rappellent les médecins. «La voix est plus forte parce que on ne parle pas que de conditions de travail, mais bien de la qualité des soins. On peut être empathique ou sympathique aux conditions de travail, mais là on parle de soins d’urgence et c’est ce qui fait que c’est épouvantable. C’est pourquoi on a peur à la fermeture complète de l’urgence, si nous n’avons plus de radiologie.»