De la gym à l’église

Par Karine Audet
De la gym à l’église

Au même titre que pour le hockey sur glace, offrir une formation en gymnastique dans une région comporte des coûts astronomiques. Force est de constater qu’à Lachute, une petite communauté tissée serrée qui n’a pas les moyens financiers des grandes villes tient à bout de bras un club dont la force se puise dans des tonnes d’heures de bénévolat, l’appui des municipalités, le soutien des parents et l’implication des athlètes à travers le temps. Cette discipline comporte aussi certains risques et exige une expertise pour le développement des enfants. Les entraîneurs y reçoivent donc une paie, mais, malgré tout, ils sont difficiles à conserver dans les rangs. Les salaires augmentent partout et la main-d’œuvre est rare. Ça prend des passionnés pour s’occuper de la marmaille, qui n’est pas toujours de tout repos.  

Myriam Landry-Ladouceur, entraîneure-chef, est d’ailleurs le résultat de Daniel Desjardins, celui qui a fait naître l’amour de la gymnastique dans les locaux de la polyvalente Lavigne voilà déjà près de 50 ans. «C’est mon 2e papa!», lance la gymnaste qui a eu la piqûre lors de son premier cours en 1991, dans les gymnases du côté de la LRHS. C’est d’ailleurs ce même Daniel Desjardins qui est venu donner un coup de main à l’équipe pour réintroduire les garçons voilà une dizaine d’années lors de l’acquisition de l’église Immaculée-Conception du secteur de Ayers Ville pour une poignée de change. L’ancienne église, par son espace aérien, et ses planchers de béton pour sécuriser les équipements au sol représentaient un espace de choix. Dix ans plus tard, on y croit toujours. La nouvelle implication du bénévole Louis-Philippe Tremblay, un entraîneur certifié du PKQC issu du GymX de Saint-Jérôme, a permis de rénover le sous-sol, jadis une salle bien occupée pour des événements en tout genre, en un parcours d’obstacles. La toiture à réparer représente toutefois le plus grand enjeu financier des prochaines années. Et l’inflation aura tôt fait de décupler les coûts qui étaient déjà exorbitants pour un organisme sans but lucratif.  

La pandémie aura aussi eu son effet sur les garçons. De huit athlètes faisant figure parmi le groupe compétitif provincial, on est passé à deux. Adam et Guillaume, des forces de la nature qui s’entraînent à raison d’une quinzaine d’heures par semaine, sont aussi le fruit du désormais retraité Desjardins, qui a donné un coup de main à l’équipe pour réintroduire les garçons à son arrivée dans l’enceinte religieuse. «C’est difficile à supporter financièrement, c’est beaucoup d’engins pour peu d’inscriptions. C’est un choix de club d’avoir des gars.  On était renommé avant avec Daniel et on avait le goût de leur faire une place», explique Myriam, qui a donné naissance à son 2e enfant, un garçon cette fois-ci, qui pourra profiter des installations comme sa soeur. Pas de discrimination! 

Les préjugés sont encore présents.  Le club est composé à 85% de filles.  On parle d’environ 300 inscriptions par année de jeunes de 3 à 15 ans. «Si tu veux être en forme, fais de la gym!», invite Sylvain Paradis, de la Fondation Jérémie Paradis, lors d’une annonce officielle qui permet au club de demeurer sur le respirateur artificiel. Pour les 5 prochaines années, la fondation investira 3000$ par an pour rafraîchir le matériel, qui subit rapidement le poids des entraînements. Elle devient ainsi le premier partenaire platine du Club de gymnastique Barany de Lachute. Tout comme dans bien des secteurs, le peu de fournisseurs dans le domaine et l’inflation donnent des sueurs froides au conseil d’administration. Pour de simples nouvelles pattes à la table de saut, le premier don aura fondu comme neige au soleil. Il y a aussi des tapis de sol à changer. 

La Caisse populaire Desjardins d’Argenteuil devrait annoncer sous peu un partenariat en or, tandis que l’entreprise Petit moteur Lachute, un partenariat Argent. C’est ainsi que le soutien des entreprises s’ajoute à celui de la communauté. On souhaite ainsi au club de continuer à faire briller les yeux des enfants lors de compétitions en se dépassant et en persévérant. Encore plus important que de rapporter des médailles, le club développe la confiance en soi et permet de vaincre des peurs pour des enfants du 21e siècle, un tantinet surprotégé. 

«Ce sont des machines, ils sont vraiment forts», lance avec admiration l’entraîneure-chef en parlant de ses deux « boys» lors de la prise de photo. De son côté, Caroline Giroux, la mère d’un deux athlètes masculins, raconte l’arrivée de son garçon au primaire. À la demande de l’enseignante Diane de Saint-Philippe, son fils de 4 ans, qui était déjà dans le Club Barany, exécute une roulade. «Wow! Je n’ai jamais vu une si belle roulade!», de s’exclamer l’enseignante d’éducation physique aujourd’hui retraitée. «Avant, les enfants jouaient davantage à l’extérieur, on n’avait pas besoin de montrer à faire des roulades et des roues. Aujourd’hui, on part souvent de zéro», mentionne Mme Landry-Ladouceur. Investir dans ses enfants, comme dans ses vieux bâtiments, c’est investir dans l’avenir. Et ça prend, sans hésiter, la force et le soutien d’une communauté. 

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