Une clinique revue et corrigée

Par Karine Audet
Une clinique revue et corrigée

L’édifice appartient aux partenaires, mais la clinique est publique, c’est-à-dire qu’on s’y fait soigner avec la carte d’assurance maladie du Québec.  Elle regroupe plus de médecins que l’ancienne polyclinique et compte parmi ses locataires un cabinet de dentistes, une pharmacie et un groupe de physiothérapeutes.  

À murs neufs, pratique nouvelle. La clinique propose une approche originale à la santé: une médecine qu’on pourrait qualifier de collaborative. Pour le docteur Elayoubi, la profession s’est tellement complexifiée depuis une trentaine d’années qu’un praticien généraliste ne peut plus tout faire, seul dans son bureau. En outre, comme «on ne peut pas être bon en tout», ajoute-t-il, le personnel compose des équipes formées de médecins généralistes et de collaborateurs tels des infirmières praticiennes spécialisées ou cliniciennes. L’infirmière praticienne possède une formation qui lui permet de poser certains diagnostics sans se référer à un médecin; l’infirmière clinicienne, elle, reçoit des patients préalablement diagnostiqués par un médecin et applique le protocole déterminé par lui. C’est le cas notamment des suivis en matière de diabète, de grossesse ou de surveillance de la tension artérielle. Pour l’instant, la clinique emploie une seule infirmière praticienne, mais on en attend une seconde dans les prochaines semaines. On espère aussi engager un pharmacien afin d’aider les médecins dans la prescription de médicaments, notamment au chapitre des contre-indications.   

La clinique possède également une salle d’opération pour procéder à des chirurgies mineures qui ne requièrent pas d’anesthésie générale. Cela libère les chirurgiens de l’hôpital voisin. Enfin, d’ici peu on compte offrir des services sans rendez-vous, ce qui aura certainement des conséquences positives sur les urgences à l’hôpital. Bref, le GMF est un pas dans la direction de la décentralisation, un des éléments d’une réforme qui ne dit pas son nom (ou qui ne le dit pas trop fort). Pour Karim Elayoubi, notre système de santé est trop lourd. Et cette pesanteur administrative vient de ce que l’État est à la fois payeur et gestionnaire de soins.  

Prenons un exemple tiré de la vie quotidienne: vous assurez votre voiture auprès d’une compagnie. Desjardins, mettons. Survient un sinistre. La compagnie payera les dommages, mais ce n’est pas elle qui effectuera les réparations. Vous pourrez faire affaire avec un garage de votre choix qui vous facturera. Votre assureur remboursera la facture en totalité ou en partie, c’est selon.  

Si l’État se contentait de payer la note, cela éliminerait une portion de la «filière paperassière», c’est-à-dire une bonne partie des formulaires qui provoquent l’ire des médecins parce qu’ils doivent y consacrer trop de temps.. Cette répartition des responsabilités entre le privé et le public pourrait également donner envie à des entrepreneurs d’investir dans la santé et ainsi créer une compétition stimulante pour le système public.  

En dernier lieu, selon le docteur Elayoubi, il faut augmenter le nombre de professionnels de la santé au Québec. Plus de médecin, plus d’infirmières. En former davantage, c’est évident, mais aussi reconnaître plus rapidement les diplômes obtenus à l’étranger. Il n’est pas normal qu’un médecin diplômé en France par exemple attende deux années avant de pouvoir pratiquer au Québec.  

Karim Elayoubi a été candidat aux dernières élections provinciales sous la bannière des conservateurs. Lucide et réaliste, il se doutait bien qu’il ne serait pas élu; il souhaitait que sa candidature lui permette de faire connaître sa position sur l’avenir du système de santé québécois. Pourquoi les conservateurs ? Parce qu’aucun autre parti politique, à l’époque, ne voulait entendre ce qu’il avait à dire. Seuls les conservateurs préconisaient un système de santé mixte public/privé comme le pratiquent plusieurs États dont le Japon, la Corée du Sud et le Danemark. Dans ces pays, l’État assure tout le monde, mais ce sont des praticiens privés qui fournissent les services.  Il semble que cette idée fasse son petit bonhomme de chemin dans la tête des responsables du gouvernement. Le docteur Elayoubi en souligne pour confirmation l’intention du ministre Dubé de créer sous peu deux petits hôpitaux privés qui accepteront l’assurance maladie comme mode de paiement. «Le système tout public ou tout privé ne peut pas durer, affirme-t-il. D’ailleurs le Québec est un des seuls endroits au monde où cela existe encore.»  

Au sujet de son appartenance politique, le docteur Elayoubi précise que le conservatisme québécois n’est pas identitaire comme le parti de Marine Le Pen en France ou allergique aux mesures sociales progressistes (droit à l’avortement, droits des LGBTQ+ ) comme le sont les républicains chez nos voisins du sud, etc. Certes, les conservateurs sont sensibles à la taille de l’État qu’ils jugent trop gros. «Si l’État est obèse, on gaspille l’argent à l’intérieur d’une grosse machine qui n’est plus productive», juge-t-il. Mais sur le plan social, les conservateurs québécois sont plus tolérants que le parti de Pierre Poilièvre à Ottawa, par exemple. Karim Elayoubi se dit beaucoup plus proche de Brian Mulroney lorsque le parti s’appelait encore progressiste-conservateur. Il convient toutefois que la politique environnementale d’Éric Duhaime est à réviser s’il veut augmenter le nombre de ses partisans. Le docteur Elayoubi dit qu’il y verra puisqu’il est président de la commission politique du PC. 

Selon La Presse, le taux d’occupation des urgences au Québec était de 130% mardi dernier, un sommet atteint en 2020. 

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