C’est urgent, docteur

Par Karine Audet
C’est urgent, docteur

Le 30 décembre, l’Hôpital général de Hawkesbury (HGH) annonçait la fermeture de son urgence pour quatre jours invoquant la pénurie de ressources et le nombre croissant de maladies pulmonaires qui affectaient les usagers ainsi que le personnel. Plutôt que d’imposer au public des attentes interminables aux urgences et négliger les soins aux patients déjà hospitalisés, la direction du HGH a choisi de privilégier ces derniers.  

Du côté de Lachute, la situation n’est pas tellement différente. Certes, l’hôpital n’a pas fermé sa salle d’urgence, mais le manque de ressources et l’achalandage lourd est devenu la règle, là comme ailleurs.  

On pouvait redouter que la fermeture de Hawkesbury ait des conséquences dramatiques sur les services de Lachute. Dans les faits, il n’y a pas eu de congestion déraisonnable ; Lachute compte une moyenne quotidienne d’environ une soixantaine de visites à l’urgence pour une occupation de 125 à 150 %.  Normal? Le docteur Karim Elayoubi qui travaille comme urgentologue à Lachute a un sourire un peu triste en évoquant cette soi-disant normalité. Il souhaiterait vivement voir ce taux d’occupation chuter, mais, pour le moment, il faut faire avec.  

Il précise que la fermeture de Hawkesbury a évidemment des conséquences, mais peut-être pas celle qu’on croit. «Rares, dit-il, sont les Ontariens qui viennent se faire soigner à Lachute.» C’est plutôt les Québécois qui se rendent à Hawkesbury pour plusieurs raisons ; en temps normal, les temps d’attente sont moins longs, mais surtout, le HGH possède dans ses murs une cohorte de spécialistes qu’on ne retrouve pas à Lachute, chirurgien, neurologue, gastroentérologue, cardiologue pour ne nommer que ceux-là. C’est dire qu’à Hawkesbury, on obtient une consultation avec un spécialiste sur place alors qu’à Lachute où on doit recommander le patient à Saint-Jérôme, ce qui occasionne des délais parfois sévères.  

De façon générale, les taux d’occupation ont tendance à demeurer stables d’année en année. Il va de soi que certains événements concernent les urgences au premier chef: les accidents domestiques, de la route ou résultants d’activités sportives par exemple, un AVC ou une crise cardiaque. Il est nécessaire de noter que quiconque entre aux urgences pour une affection grave sera pris en charge immédiatement. Autrement dit, ce n’est pas la qualité des premiers soins qui est en cause, mais bien la nature des maladies.  

Le docteur Elayoubi reconnaît qu’il y plusieurs types d’urgences et que toutes ne sont pas également pressantes. En revanche, il reconnaît aussi la nature anxieuse de certaines personnes qui se rendent aux urgences plus pour se faire rassurer que se faire soigner. Il préconise comme solution une meilleure information quant au rôle des urgences ainsi qu’une plus grande connaissance des alternatives disponibles. Il tient d’ailleurs une chronique sur l’antenne de Radio-X à Québec pour sensibiliser la population à une utilisation rationnelle des salles d’urgence.  

Parmi les solutions de rechange, il y a d’abord le 811 qui permet d’obtenir des conseils sur des soins à donner à la maison. Si le malade est un enfant de 0 à 7 ans, l’option 1 offre une ligne prioritaire qui permet à l’usager d’obtenir de l’aide plus rapidement et le cas échéant, de se faire diriger vers les ressources appropriées si l’infirmière juge que l’enfant a besoin d’une consultation.  

On peut aussi consulter son pharmacien à qui la loi permet désormais de prescrire certains médicaments. Le docteur Elayoubi estime toutefois que les pharmaciens pourraient aller beaucoup plus loin dans la consultation, mais que cette loi ne comporte pas de motivation suffisante pour encourager les pharmaciens à agir, ces actions n’étant pas rémunérées.  

Il indique que l’embauche d’infirmières praticiennes spécialisées (IPS) dans les salles d’urgence pourrait aussi contribuer à les décongestionner. Comme elles possèdent une maîtrise en sciences infirmières ainsi qu’un diplôme complémentaire en science médicale, elles sont autonomes et peuvent diagnostiquer bon nombre d’affection et prescrire les solutions appropriées.   

Rappelons que ce médecin attaché à l’hôpital de Lachute est également un des fondateurs du nouveau Centre médical d’Argenteuil sur la rue Providence. Nous poursuivrons au cours des prochaines semaines sur les vues du docteur Elayoubi concernant le système de santé en général. 

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