Ça mord sur la rivière des Outaouais

Ça mord sur la rivière des Outaouais

Yves Girard et son épouse Linda Gagné en sont à leur deuxième année au Centre de pêche. À ce jour, ils n’ont encore rien pris, mais cela leur importe peu. Ils apprécient de pouvoir jouer dehors quand la température est relativement clémente. Et puis, il y a le silence, la rivière toute blanche, la nature. Le bonheur, en somme.   

Propriété depuis deux ans de Martin Lamothe et Francis Meloche, le Centre existe depuis 16 ans. Martin le fréquentait depuis longtemps lorsqu’il apprit que le propriétaire voulait s’en défaire; il se dit que ce serait une bonne affaire pour lui dont les activités étaient limitées à cause d’un traumatisme crânien. Incapable d’assumer les travaux physiques qu’entraîne ce genre d’entreprise (fabrication, entretien et installation des cabanes, etc.), il fit part de son projet à son neveu Francis, un solide gaillard qui, enthousiasmé, décida de s’associer dans «ce jeu» comme le dit Martin.  

Les deux nouveaux entrepreneurs concluent un partenariat avec le camping de Brownsburg-Chatham:  ce dernier accepte de louer un droit de passage et d’assurer l’entretien de la descente qui mène à la rivière. En outre, la municipalité met à la disposition du Centre de pêche un terrain pour entreposer les cabanes hors saison.  

Pour sa part, le Centre assure la sécurité des usagers. Alors que les règles de l’État interdisent aux automobiles l’accès à la rivière si la glace fait moins de six à huit pouces, le Centre exige une épaisseur de douze pouces, car les pêcheurs y viennent souvent avec des véhicules lourds, camionnettes ou VUS. C’est un spécialiste, le responsable du pont de glace et du traversier Le Passeur en aval du barrage de l’Hydro, qui vient déterminer l’état de la glace à chaque début de saison. La pandémie a ajouté une nouvelle dimension à la notion de sécurité. On a distancé les cabanes pour éviter les voisinages trop rapprochés et, après chaque location, on désinfecte complètement cabanes et accessoires de pêche.   

Il en coûte 8 dollars pour avoir accès au site (c’est gratuit si vous êtes à pied). Si vous possédez tout votre équipement, vous ne défrayez que les coûts d’accès. Si vous vous présentez les mains vides, vous pouvez tout louer, de la cabane aux appâts en passant par les lignes. On propose trois formats de cabanes: petites, moyennes et grandes. Les prix varient de 75 à 120 dollars par jour selon le forfait choisi qui comprend appâts, ligne et écumoire (pour empêcher que la glace se reforme et que le trou se referme).   

Alexandre Trottier de Saint-Placide et sa famille sont des clients réguliers et possèdent leur propre cabane; Alexandre visite le site une quinzaine de fois chaque hiver. Il pêche plus pour le plaisir que pour se nourrir. Il s’estime chanceux lorsqu’il attrape une demi-douzaine de perchaudes ou bien de temps à autre un beau doré qui constitue sinon un repas complet du moins une entrée délectable. Il y a aussi des brochets qu’il remet à l’eau parce que, s’il en apprécie leur combativité, leur chair pleine d’arêtes le laisse plutôt indifférent. Francis Meloche souligne qu’il y a aussi dans ces eaux de la lotte, du maskinongé et de l’esturgeon.  On doit remettre à l’eau ces deux dernières espèces, mais on n’en a pas attrapé cette année.   

C’est Loanne, la mère d’Alexandre Trottier qui a initié sa famille à la pêche blanche, la seule qu’elle pratique d’ailleurs. Elle adore cette activité familiale, mais déplore ne pas pouvoir utiliser d’appâts vivants. «Si on pêchait quatre cents pieds plus loin, on aurait droit aux beaux ménés vivants, là, ça mordrait.»  Quatre cents pieds plus loin, c’est l’Ontario où la législation sur les appâts diffère de la nôtre. La loi québécoise est claire: «Depuis le 1er avril 2017, l’utilisation ou la possession de poissons-appâts vivants, quelle que soit l’espèce, est interdite partout au Québec, y compris durant la pêche hivernale.»  

Un des pêcheurs, Brandon, trouve que la loi n’a aucun sens. Il n’est pas le seul. Martin et Francis pensent comme lui, mais à défaut de logique, ils obéissent avec philosophie: «si le méné est mort, c’est au pêcheur d’être vivant!», c’est dire que c’est à lui d’agiter sa ligne pour faire bouger l’appât et attirer les poissons.   

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