Les défis d’étudier en français dans le Nord du pays

Les défis d’étudier en français dans le Nord du pays

«Il y a plus de 44 000 habitants, dont environ 10% qui parlent français. Donc, on ne peut pas offrir une expérience étudiante comme un grand campus, d’où l’importance des partenariats», explique Josée Clermont, directrice générale du Collège nordique francophone (CNF) qui vient de conclure un partenariat avec le Collège La Cité d’Ottawa.

L’importance de la collaboration entre les établissements d’enseignement, les associations francophones et les commissions scolaires a été soulignée fréquemment. «C’est une belle démonstration que la distance ne devrait plus être un enjeu aussi sérieux lorsqu’on veut faire des collaborations», argumente la présidente-directrice générale de La Cité, Lise Bourgeois.

Entre manque de confiance, de reconnaissance et de modèles

Marguerite Tölgyesi, présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), étudie les sciences politiques et les études nordiques à distance à l’Université Laval, depuis Whitehorse. Elle a toujours voulu étudier en français.

«Au secondaire, je n’ai malheureusement pas pu prendre tous les cours que j’espérais prendre. […] Je trouvais dommage d’arrêter là, d’avoir mis tout cet effort toute ma vie [pour finalement étudier] en anglais», indique-t-elle.

Détentrice d’un diplôme d’études secondaires bilingue, l’étudiante a eu beaucoup de difficultés à le faire reconnaitre au Québec pour y poursuivre ses études postsecondaires. «Ils le reconnaissaient comme un diplôme anglophone et non francophone, explique-t-elle. J’ai dû faire énormément de tests en français pour prouver que je suis francophone. […] Il faut toujours expliquer pourquoi on existe, comment ça se fait qu’il y a des francophones au Yukon ou ailleurs au Canada».

Christiane Nadine Petnkeu Ntchatchoua, mère d’une élève francophone au Nunavut, s’est retrouvée face à des défis similaires.

«Depuis que ma fille est rentrée au secondaire, on n’a pas de modèles Franco-Nunavois accessibles», assure-t-elle. Elle souligne toutefois que grâce aux interventions communautaires et à différents forums, sa fille a pu rencontrer des gens de sa communauté, même à distance.

«Une chose qui revient souvent pour nos finissants lorsqu’ils sont en train de considérer leurs choix d’institution postsecondaire, c’est l’insécurité linguistique», souligne Marc Champagne, directeur général de la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY).

Selon lui, en plus du manque de confiance en soi qui pèse lourdement, il y a souvent plus de choix pour les programmes en anglais. «Évidemment au Yukon, on n’a pas d’institution postsecondaire en français et les institutions anglophones sont souvent plus visibles», ajoute-t-il.

C’est en ce sens que, pour Jean de Dieu Tuyishime, président de la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest (CSFTNO) «tant que nos élèves n’ont pas cette fierté et identité francophone, c’est difficile de commencer à penser s’ils vont s’orienter dans des études postsecondaires en français».

Des ponts et partenariats à créer

En lien avec cette préoccupation, Josée Clermont annonce qu’«on vient de signer, au CNF, une entente avec la Commission des parents francophones du Canada (CPF) pour former des formateurs dans la construction identitaire».

Situé en territoire autochtone, le CNF a aussi entrepris ce que sa directrice générale appelle la «réconciliation en action». Elle explique que le collège travaille beaucoup avec les ainés pour développer des ressources pédagogiques. Tous les employés du collège reçoivent aussi une formation qui prend une grande importance pour les nouveaux arrivants. Selon elle, le tout se fait dans le but de «décoloniser nos systèmes et nos façons de faire».

Josée Clermont distingue trois catégories de défis : le contexte législatif, le financement et la taille de la population.

Elle souligne une avancée sur le premier point : «On a convaincu le gouvernement de créer une loi sur l’éducation postsecondaire […] elle devrait entrer en vigueur en avril», explique-t-elle en ajoutant qu’«il faut être persévérant».

Pour le financement, la directrice générale du CNF précise que «c’est ce qui permet de faire du développement. Le Collège nordique est sur le point d’obtenir un financement pluriannuel», annonce-t-elle fièrement.

Marc Champagne relève également que la COVID-19 empêche de faire des liens et d’encourager les élèves à poursuivre leurs études en français. Mais il assure que les visites des campus au sein des établissements postsecondaires ont eu un impact positif sur les élèves. 

Miser sur une bonne préparation des élèves

Jean de Dieu Tuyishime, de la CSFTNO, a insisté sur l’importance de bien préparer les élèves à la vie postsecondaire. «Ça fait une sorte de transition entre le secondaire et le postsecondaire parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Et quand ils arrivent au postsecondaire, ils sont débordés», observe-t-il.

Lui et Linda Leclerc, directrice générale de la Commission scolaire francophone du Nunavut (CSFN), estiment que ces ressources pourraient faire partie des tâches des conseillers en orientation.

«Nous avons une conseillère en orientation qui agit auprès des élèves des 7e et 8e années. Le but des élèves est de prendre connaissance de soi.».

De la neuvième à la douzième, il y a d’autres buts, poursuit Linda Leclerc, comme leur fournir une aide dans leurs choix de cours, remplir les demandes de bourses pour les plus vieux, ou encore les aider à chercher à la recherche d’établissements postsecondaires. Une aide est également fournie aux parents.

Il est possible de s’inscrire au sommet des États généraux sur le postsecondaire en contexte francophone minoritaire, les 24 et 25 mars 2022. Un rapport final sera rendu public à l’automne.

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