La pénurie de main d’œuvre affecte beaucoup de monde

La pénurie de main d’œuvre affecte beaucoup de monde

Ce scénario est évidemment fictif, mais ce n’est pas pour autant de la pure fiction.  Il se reproduit souvent, presque chaque jour, sur le territoire de la plupart des anciennes Commissions scolaires devenues Centres de service. La raison? Une combinaison perverse de pénurie de main d’œuvre et de Covid.    

Cette situation ne touche pas que les écoliers et le transport scolaire. La plupart des entreprises de la province sont frappées. Selon un sondage de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), 81% des PME manquent de bras, ce qui fait dire à quelque 12% d’entre elles qu’elles devront peut-être fermer leurs portes d’ici un an.    

Dans Argenteuil, la situation n’est pas différente. Des consultations non scientifiques auprès de quelques entreprises ont confirmé la tendance: chez ARD portes et fenêtres, par exemple, l’absence de travailleurs se fait lourdement sentir. Même chose chez Armoires Trudeau où il manque 2 ou 3 employés, si bien que la gérante, Marie-Josée Trudeau, doit effectuer des tâches qui ne relèvent pas d’elle. Il n’y a que chez Orientech qu’on n’a pas subi le double choc manque de travailleurs – Covid.  Le porte-parole Charles-Alain Carrière explique que sa société emploie des travailleurs très spécialisés, donc bien payés, et qu’elle a su fidéliser son personnel.  La conséquence principale pour toutes les entreprises: elles refusent des contrats.  

En ce qui concerne le transport des écoliers, ce sont les familles qui subissent les conséquences. Le Centre de services scolaire de la Rivière-du-Nord (CSSRDN) dont le budget de transport scolaire atteint 16,5$ millions, a prévenu cette semaine certains parents qu’ils devraient reconduire eux-mêmes leurs enfants à l’école car certains circuits seraient suspendus à cause du manque de chauffeurs. Sophie Brochu, porte-parole du CSSRDN, assure qu’on met tout en œuvre pour trouver une solution au problème: redéfinition des circuits, recherche de stagiaires qualifiés pour remplacer les chauffeurs malades, répartition des élèves dans d’autres véhicules, etc. 

 va de soi que les contrats avec les transporteurs comportent des clauses en vertu de quoi les circuits suspendus ne sont pas rémunérés. En revanche, pour la durée de la pandémie et compte tenu de la pénurie de main d’œuvre, le CSSRDN offre aux parents d’envoyer gratuitement leurs enfants au service de garde.  

Du côté d’une des entreprises de transport employées par le CSSRDN, Autobus Campeau, le directeur général Jonathan Lauzon explique que le problème est complexe. : « D’abord, dit-il, la pénurie de main d’œuvre existait bien avant la Covid, mais la pandémie l’a aggravé. Comme nos chauffeurs sont très souvent des semi-retraités ou des femmes qui veulent travailler un nombre d’heures limité, au début de la pandémie, nous avons dû renoncer à nos employés les plus âgés et à ceux et celles qui craignaient la contagion.» Il ajoute qu’avec la vaccination, les choses se sont améliorées, mais Omicron a fait exploser les cas depuis le début de 2022. Sur les 152 contrats (circuits) qui lient la compagnie au CSSRDN, 5 ou 6 circuits étaient actuellement interrompus le jour de notre entretien. «La situation change tout le temps, ajoute M. Lauzon. Soit le chauffeur tombe malade, soit il entre en contact avec quelqu’un qui est atteint auquel cas, il doit rester chez lui.»    

Mais une compagnie comme Autobus Campeau doit compter des chauffeurs de réserve qui peuvent remplacer les malades au pied levé, non?  Justement, non.  Sans réserve, c’est comme rouler sans pneu de secours. Un clou mal placé et c’est la fin du voyage.    

On propose même une formation de conduite d’autobus avec le Centre de transport routier de Saint-Jérôme (CFTR), une mesure qui ne résout rien à court terme. Mais les examens préliminaires à l’inscription (test de conduite, examen médical, de la vue, etc.), la formation proprement dite et enfin les examens de passage s’étendent sur un minimum de deux mois. Et rien ne garantit que les diplômés vont s’engager dans le transport scolaire. « Souvent, dit M. Lauzon, les étudiants se trouvent un autre travail avant la fin de leur cours.»   

Alors, la question qui tue : est-ce le salaire qui n’est pas alléchant?  Un chauffeur d’autobus peut gagner jusqu’à 22,30$/h; 15$/h s’il conduit une berline. Le gouvernement offre une prime de 2000 dollars à tous les chauffeurs qui travaillent 97% des 183 jours que dure l’année scolaire. 

Le problème est donc entier et sans doute va-t-il falloir vivre avec pendant encore un certain temps. La FCEI demande au gouvernement d’intervenir financièrement, mais aussi de « faciliter l’arrimage entre les chercheurs d’emploi et les employeurs ». Elle demande aussi de faciliter l’embauche de travailleurs immigrants en réduisant les barrières à l’entrée (accès et délais de traitement). 

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