Dans le froid intense du 29 janvier, une foule de camionneurs et leurs alliés non masqués se sont pressés sur la Colline parlementaire à Ottawa. Munis de panneaux aux propos parfois vulgaires à l’intention du premier ministre Trudeau, ils se sont rassemblés pour danser, chanter, débattre et klaxonner, le tout dans une ambiance pacifique. La plupart des rues menant au Parlement étaient bloquées, mais demeuraient accessibles à pied.
Une porte-parole de l’organisation du «Convoi pour la liberté 2022» a confié à Francopresse qu’elle tenait à se détacher des quelques personnes qui avaient appelé à la violence avant que les manifestants n’arrivent dans la capitale. «Ces personnes sont responsables de leurs actes», a-t-elle assuré.
Quelques personnes brandissaient des drapeaux de la confédération ou du Canada avec le logo de la mouvance QAnon. La police d’Ottawa a aussi rapporté en soirée des dégradations sur les symboles nationaux comme le Monument commémoratif de guerre du Canada ou la statue de Terry Fox. Toutefois, «aucun cas de violence ou de blessure n’a été signalé», assure encore la police d’Ottawa. La contestation s’est faite dans une ambiance pacifique, voire festive.
Les agents ont aussi assuré qu’il y aura toujours une présence importante de la police pour assurer la sécurité publique tout au long de la fin de semaine.
Lever toutes les restrictions
Une scène aménagée par l’organisation du «Convoi pour la liberté 2022» juste devant l’entrée du Parlement a permis aux participants de manifester leur mécontentement face à l’obligation vaccinale prévue par le gouvernement Trudeau pour les camionneurs.
Mais plusieurs personnes rencontrées ce samedi dans la manifestation profitent du mouvement pour demander la cessation de l’ensemble des mesures sanitaires.
«Il y a des levées [de restrictions] qui se font en Europe. C’est Trudeau qui est censé gérer ça. On est là pour la levée de tout : les masques, l’obligation vaccinale, les confinements… Le premier ministre travaille pour nous. Si ton peuple veut que ça s’arrête… arrête», explique un camionneur québécois, non loin de la scène.
Éric et sa conjointe, qui n’a pas souhaité être identfiée, sont venus appuyer les camionneurs. Tous deux évoquent «une fatigue générale». Ils profitent eux aussi de ce mouvement déclenché par les camionneurs pour que le gouvernement lève toutes les restrictions liées à la COVID-19.
Le couple est venu en soutien pour «que le peuple ait le droit de parole… Ce qu’il n’a pas eu depuis ces deux dernières années. Je pense qu’on était quand même diligents, on a écouté les règles. Surtout au Québec, où on a vécu plus de restrictions qu’ailleurs», affirme Éric.
Ce dernier est doublement vacciné, contrairement à sa conjointe. «C’est un choix personnel», explique-t-il.
Si Justin Trudeau ne cède pas à leurs demandes, le couple se dit prêt à rester pour soutenir le mouvement. «C’est ça la solidarité! On devrait vraiment rester ensemble pour avoir notre cœur ouvert», assure la conjointe d’Éric.
Rester plusieurs jours, c’est ce que prévoient plusieurs manifestants rencontrés lors de la contestation. «On restera ici des semaines s’il le faut, jusqu’à ce que cette règle saute», affirme un jeune camionneur.
La présence accrue du PPC de Maxime Bernier
Au fil du parcours, des pancartes du Parti populaire du Canada (PPC) encadrent le chemin, jusqu’au Parc de la confédération.
Juste avant le bâtiment ouest du Parlement, Sylvain Carle tient un kiosque de divers produits violets estampillés «PPC». Celui ci est camionneur et était candidat du PPC dans la circonscription de Wellington — Halton Hills, en Ontario, en 2019 et 2021.
Il assure que la présence du PPC «n’est pas de l’opportunisme. On est ici pour soutenir les camionneurs, dont la plupart sont à leur compte et ont perdu leurs emplois à cause des règles imposées par Justin Trudeau», explique-t-il.
Dans une conférence de presse tenue la veille, le chef du PPC et ancien ministre sous Stephen Harper, Maxime Bernier, avait annoncé sa visite pendant le rassemblement. «Les camionneurs ne représentent une menace pour personne», avait-il martelé.
Il avait aussi félicité et salué le «courage» des députés conservateurs Pierre Poilievre et Candice Bergen, respectivement porte-parole de l’opposition officielle des Finances et cheffe adjointe du Parti conservateur, qui ont pris position en appui aux camionneurs, plus tôt dans la semaine. «Ma porte leur est grande ouverte. […] Ils réaliseront bientôt que ce parti [conservateur] est corrompu», a affirmé Maxime Bernier.
La position des deux députés a notamment forcé Erin O’Toole, le chef conservateur, à revenir sur son refus de prendre position. À la sortie du caucus national de son parti, le 26 janvier, il a affirmé qu’il «rencontrerait» des participants de la manifestation. C’est ce qu’il a fait, le vendredi 28 janvier.
Samedi soir dans un gazouillis, il condamnait toutefois les dégradations rapportées par la police sur les symboles nationaux.
Après un discours sur la Colline samedi pour «regagner la liberté», Maxime Bernier a traversé le centre-ville d’Ottawa, salué par les participants, posant avec eux et remerciant les camionneurs d’avoir amorcé le mouvement.
Sur son passage, les vivats se sont intensifiés, quand les huées sur le premier ministre Trudeau se poursuivaient.
Ce dernier est pourtant resté ferme, réitérant en conférence de presse : «Nous avions annoncé au mois de novembre qu’à partir de ce mois-ci, tous les camionneurs qui traversent la frontière américaine et qui reviennent au Canada devraient être vaccinés s’ils veulent éviter de devoir faire une quarantaine obligatoire. Ça fait des mois qu’on a prévu que ça aller se passer comme ça. Presque 90% des camionneurs au Canada se sont fait vacciner. Ce n’est qu’une petite minorité de gens qui ne parlent ni pour les camionneurs ni pour les autres Canadiens qui continuent à ralentir notre sortie de cette pandémie et à mettre à risque nos travailleurs de première ligne, qui travaillent d’arrachepied pour aider les Canadiens dans cette situation extrêmement difficile».