Lettres de mandat: faire preuve de leadeurship à l’égard des langues officielles

Lettres de mandat: faire preuve de leadeurship à l’égard des langues officielles

Les lettres de mandat contiennent des éléments propres à chaque portefeuille ministériel, mais aussi un préambule commun à l’ensemble des ministres précisant certains objectifs généraux et des principes à respecter.

Un survol des lettres de mandat de 2019 permet de constater que l’on retrouvait dans l’ensemble d’entre elles, à juste titre, une mention de l’importance de veiller à accélérer et à renforcer les efforts de réconciliation avec les peuples autochtones, d’appliquer l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) aux processus décisionnels, d’appuyer la classe moyenne, de faire preuve de transparence, etc.

Toutefois, outre la lettre adressée à la ministre Joly, à l’époque responsable du dossier des langues officielles, le sujet était quasi absent de celles de ses collègues. Généralement, la seule mention de l’enjeu du bilinguisme était de veiller à ce que les consultations gouvernementales se fassent dans les deux langues officielles.

Responsabiliser l’ensemble des ministres 

Cette année, le premier ministre devra ajuster le tir et veiller à responsabiliser l’ensemble de son Cabinet à l’égard de cet enjeu transversal que sont les langues officielles.

Un ajout au préambule des lettres pourrait ressembler à quelque chose comme suit : «Il est de votre responsabilité d’assurer le respect de la Loi sur les langues officielles dans le cadre de votre portefeuille et de veiller à ce que soient prises des mesures positives pour mettre en œuvre l’engagement du gouvernement fédéral à favoriser le développement et l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada.»

Un tel passage témoignerait du sérieux du premier ministre Trudeau à l’égard des langues officielles.

Plusieurs organismes sont déjà à l’œuvre pour faire connaitre les enjeux d’importance pour les communautés francophones en situation minoritaire aux titulaires de nouvelles fonctions ministérielles. Toutefois, ces efforts auraient encore plus de portée si le sujet était explicitement signalé à l’attention des ministres dans le mandat que leur confie leur patron, le premier ministre!

Du pain sur la planche pour la ministre Petitpas-Taylor

Évidemment, la lettre qui nous en apprendra davantage sur les priorités gouvernementales en matière de langues officielles sera celle adressée à la nouvelle ministre responsable du dossier, l’Acadienne Ginette Petitpas-Taylor.

Le projet de loi pour moderniser la Loi sur les langues officielles devra être réintroduit aux Communes d’ici la première semaine de février pour respecter l’échéancier de 100 jours suivant l’assermentation du nouveau Cabinet.

D’ici là, la ministre Petitpas-Taylor aura un travail de persuasion à faire à l’interne pour veiller à ce que la nouvelle monture du projet de loi ne soit pas diluée. Certaines mesures, dont celle du bilinguisme à la Cour suprême, pourraient moins faire l’unanimité parmi ses collègues qu’elle devra rallier derrière le projet.

Un autre dossier qui devrait tenir occupée Mme Petitpas-Taylor sera l’élaboration du prochain plan d’action quinquennal pour les langues officielles, le plan actuel arrivant à échéance en 2023. Les consultations à ce sujet devront être lancées plus tôt que tard pour éviter d’éventuels retards.

Dans ce contexte, il ne faudra pas oublier l’ensemble des propositions administratives décrites dans le document de réforme déposé en février dernier, qui ouvre la voie à de multiples investissements et que les libéraux se sont engagés à mettre en œuvre en totalité durant la campagne.

En collaboration avec son collègue de Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, la ministre des Langues officielles devra aussi veiller à la mise en œuvre des mesures pour appuyer les établissements postsecondaires francophones en contexte minoritaire à la hauteur de 80 millions $ par année.

Pour plusieurs de ces établissements, la situation est critique et il y a urgence d’agir. Des questions quant à cet appui restent cependant à éclaircir, notamment celle de savoir quoi faire lorsqu’une contrepartie provinciale au financement fédéral est difficile à obtenir.

Plusieurs autres enjeux d’importance

Il va de soi que la responsabilité de favoriser le développement et l’épanouissement des minorités francophones ne doit pas seulement reposer sur les épaules de la ministre Petitpas-Taylor. Des mentions spécifiques à leur portefeuille devront aussi être incluses dans le mandat accordé à plusieurs de ses collègues.

Il y a deux ans, aucune mention n’était faite dans la lettre de mandat du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC) quant à l’immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire.

Cette omission était difficilement justifiable compte tenu de l’importance de l’enjeu pour les communautés et des efforts investis pour favoriser le recrutement, l’accueil et l’établissement d’immigrants francophones.

Le nouveau ministre d’IRCC, Sean Fraser — nouveau venu au Cabinet — arrive en poste à un moment charnière, alors que la cible de 4,4 % en matière d’immigration d’expression française à l’extérieur du Québec arrive à échéance en 2023 et qu’elle est toujours loin d’être atteinte. Il devra aussi poursuivre les efforts visant à consolider le parcours d’intégration francophone d’un bout à l’autre du pays.

Une autre lettre à surveiller sera celle adressée à la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Karina Gould, qui verra à la mise en œuvre du programme national de garderies.

Il serait souhaitable qu’elle se voie confier le mandat d’inclure des clauses linguistiques dans les accords conclus avec les provinces et les territoires pour veiller à ce que les francophones ne soient pas laissés pour compte, comme c’est trop souvent le cas dans ce type d’ententes. 

Enfin, les différents ministres qui ont la responsabilité de dossiers à vocation économique pourraient se voir confier la responsabilité d’adopter une lentille francophone aux mesures qui seront mises en place pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre.

Partager cet article