Pas bien dans sa peau: des ressources existent

Pas bien dans sa peau: des ressources existent

Pour plusieurs, encore aujourd’hui, ce sont des signes de faiblesse. Depuis la pandémie, on parle beaucoup de santé mentale; à part le risque de contagion, c’est devenu la grande préoccupation. Selon un récent article du Devoir et selon les dernières statistiques du ministère de la Santé et des Services sociaux, il y aurait 19 098 personnes qui attendent une consultation avec un psy. Toujours selon cette source, la pandémie aurait « exacerbé la détresse psychologique dans la population.» 

Karen St-James est coordonnatrice du Centre Aux sources d’Argenteuil, un organisme communautaire qui offre une approche à la santé mentale différente de celle de la méthode biomédicale. Alors que cette dernière a souvent recours aux médicaments (antidépresseurs, psychotropes, etc), la pratique alternative repose sur la conviction que nous possédons en nous les ressources pour faire face aux moments difficiles de la vie. «Car, dit Karen, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Au contraire, tout le monde connaît des hauts et des bas. C’est normal.»  

Il se trouve seulement que certains bas sont parfois plus souffrants que d’autres et réclament une assistance pour en sortir. Membre d’Alternatives Laurentides, un regroupement d’organismes qui partage une même vision de la santé mentale, Aux sources d’Argenteuil propose une démarche d’accueil et d’écoute qui tient compte de la personne dans sa globalité, de son histoire et des circonstances extérieures qui agissent sur elle comme sa situation économique, sa famille ou son travail.  

Alors que la biomédecine tient la maladie mentale pour une anomalie négative, l’approche alternative la perçoit comme un déséquilibre normal dans le cours d’une vie qui peut même se révéler enrichissante. Karen St-James a depuis longtemps banni de son vocabulaire les expressions maladie mentale ou troubles mentaux. Elle préfère santé mentale, une expression que les médias adoptent d’ailleurs davantage aujourd’hui.  

Il importe d’abord de faire une distinction entre déficience intellectuelle et problèmes de santé mentale. Alors que la première est une affection permanente de gravité variable qui handicape l’individu, la seconde est un déséquilibre ponctuel (dépression, anxiété, frayeurs, etc) qui peut affecter tout un chacun au cours de sa vie. Cela étant, Aux sources d’Argenteuil ne fonctionne pas à partir d’un diagnostic. Au contraire, on laisse à la personne le soin d’identifier elle-même son malaise en lui fournissant une oreille attentive et un environnement rassurant, car «au bout du compte, explique Karen St-James, notre mission consiste à lutter contre les préjugés (la dépression est un signe de faiblesse) et de briser l’isolement». La personne qui éprouve des troubles de santé mentale aura tendance à se replier sur elle-même et cette solitude ne fera qu’aggraver son problème. C’est pourquoi le Centre se veut d’abord un lieu d’accueil que les usagers qui en deviennent des membres considèrent au bout d’un temps comme un second chez soi, voire comme leur famille.  

Le Centre obéit à cinq principes : le respect de soi et de l’autre, la démocratie, c’est-à-dire que rien n’est imposé qui n’est pas souhaité par la majorité, la solidarité (on est tous dans le même bateau), l’autonomie (je suis responsable de moi) et l’entraide. Aux yeux de certains, cette approche bienveillante dégouline de bons sentiments, mais le fait est que, dégoulinante ou non, elle fonctionne. 

 Par la prise de parole et par le recours à des activités de loisir comme la pratique de l’art, la tenue d’un journal créatif ou de simples parties de cartes, les usagers parviennent à atténuer leur souffrance et retrouver un certain équilibre dans leur vie. Et la pandémie dans tout cela -car il faut bien en parler- a-t-elle eu une influence sur la santé mentale? « Le confinement nous a fait perdre des membres, avoue-t-elle. Les gens n’osent plus venir au Centre de crainte d’attraper la Covid».  Le paradoxe s’explique parce que le confinement et les mesures sanitaires imposées depuis presque deux ans ont engendré de l’insécurité dans la population.  

Conscient que cette situation comporte un potentiel de crise, le Centre a voulu garder le contact avec les absents en leur téléphonant régulièrement. Mais, selon Mme St-James, il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences réelles de la pandémie sur la santé mentale. Quand, par exemple, on vit confiné à quatre ou cinq dans un espace réduit, qu’on a perdu son emploi ou bien qu’on doit télétravailler avec des enfants autour ou un conjoint désœuvré, on atteint vite un point de saturation. Alors, la soupape saute : au pire, la colère s’installe. La violence aussi, parfois verbale parfois physique.  

Mme St-James s’attend à un ressac d’ici quelques mois. On verra bien si elle a vu juste.  

Partager cet article