Recruter, retenir, réinvestir : l’Ontario français attend beaucoup du prochain gouvernement

Recruter, retenir, réinvestir : l’Ontario français attend beaucoup du prochain gouvernement

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) rapporte que la province compte 55 % des organismes communautaires francophones à l’extérieur du Québec, alors que seulement 23% de l’enveloppe fédérale leur est destinée.

Le président de l’AFO, Carol Jolin, affirme que le fédéral doit augmenter les fonds fédéraux destinés à la francophonie ontarienne, et ce, sans pénaliser les autres provinces.

«On veut qu’il y ait définitivement une hausse pour permettre à nos organisations qui ne reçoivent pas de financement […] d’être capables d’aller chercher du financement pour pouvoir faire leur travail. Comme c’est là, ils fonctionnent à bout de bras [avec] du bénévolat et c’est très limité dans les actions qu’ils peuvent faire au sein de la communauté, faute de financement», précise le président de l’AFO.

Selon les chiffres présentés sur le site Web de l’organisme, «dans l’entente Canada-Ontario pour les services en français, l’Ontario reçoit 2,78$ par francophone, comparativement à 7,31$ pour le Nouveau-Brunswick et 35,71$ pour le Manitoba.»

«Ce qu’on demande comme engagement aux partis politiques et aux candidats, candidates, précise Carol Jolin, c’est de s’engager à travailler avec l’AFO à établir une plus grande équité en Ontario pour le financement en matière de langues officielles et ce, sans enlever de fonds aux autres provinces. Donc ce n’est pas de prendre à Pierre pour donner à Jean ; on veut qu’il y ait de l’argent qui soit réinvesti.»

Le financement des organismes communautaires à but non lucratif affecte aussi les nouveaux arrivants francophones de la province: «Très souvent, ces gens-là vont mettre sur pied des organisations sans but lucratif, mais ne seront pas capables d’aller chercher du financement autre que par des projets – et encore là, l’enveloppe pour les projets est très limitée.»

L’immigration, solution à la pénurie de main-d’œuvre

En 2012, l’Ontario a établi sa cible d’immigrants francophones à 5 % par année. Un objectif qui n’a encore jamais été atteint, mais qui est crucial pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre selon le président de la Société économique de l’Ontario (SÉO), Denis Laframboise.

«On ne fait pas assez d’efforts pour aller chercher et accueillir des immigrants francophones», déplore-t-il.

La SÉO, dont les priorités sont l’employabilité et l’immigration économique, identifie des besoins criants dans l’industrie forestière, l’industrie minière et la restauration.

Pour pourvoir les postes vacants, Denis Laframboise aspire à une meilleure collaboration du fédéral dans le recrutement de main-d’œuvre qualifiée à l’étranger.

«Ce qu’on fait, nous, avec le gouvernement, c’est qu’on va en France, on va rencontrer des immigrants, mais il faudrait peut-être aller dans d’autres pays francophones, comme en Afrique. Il y a beaucoup de gens qui y travaillent dans les mines, dans la foresterie. Ce sont ces gens-là qu’on devrait aller rencontrer et inciter à venir s’établir au Canada», indique-t-il en exemple.

Carol Jolin croit pour sa part que la cible fédérale en immigration francophone à l’extérieur du Québec, établie à 4,4%, pourrait dépasser celle de l’Ontario.

«C’est important de viser plus haut pour qu’on puisse garder notre poids démographique et qu’on puisse maintenir les services en français qu’on a, et même les améliorer […] Il n’y a pas de pourcentage magique, mais je n’aurais pas de problème à dire qu’il faut viser 6%, 7% au moins dans les prochaines années pour qu’on puisse se rattraper.»

À partir des données du recensement de 2016 et en appliquant la définition inclusive de francophone (DIF) adoptée en 2009, le nombre de francophones en Ontario s’établit à 622 000 personnes, dont 16,4% sont nées à l’extérieur du Canada.

Éducation postsecondaire

Au printemps dernier, l’Université Laurentienne de Sudbury, qui s’était placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), a annoncé l’abolition de 69 programmes, dont 24 en français.

Dans la foulée, l’établissement a également annoncé le démantèlement de la Fédération Laurentienne, mettant en péril l’avenir de l’Université de Sudbury, qui avait annoncé son intention de devenir un établissement entièrement francophone quelques semaines plus tôt.

La situation a amené l’AFO à demander aux divers partis fédéraux un appui public au «projet de transformation de l’Université de Sudbury en université de langue française» et de bonifier les transferts fédéraux pour le postsecondaire provenant du Programme des langues officielles dans l’enseignement (PLOE).

«C’est une situation qui doit être adressée le plus rapidement possible parce que les universités un peu partout au pays en arrachent, encore plus du côté francophone hors Québec. Il faut adresser cette situation-là parce qu’on risque de voir d’autres Laurentian University arriver», insiste Carol Jolin.

Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, faisait d’ailleurs remarquer dans son rapport annuel 2020-2021 que «Programme des langues officielles en enseignement n’a, pour sa part, pas augmenté depuis 2009».

Les attentes de l’AFO envers le parti qui prendra le pouvoir le 20 septembre sont donc élevées en matière de financement de l’éducation postsecondaire en français.

«Avant les élections, [la ministre] Joly a mis 5 millions$ de côté pour pouvoir travailler dans le dossier de l’Université de Sudbury. Et, quelques semaines avant les élections, il y a un 121 millions$ qui a été annoncé pour le postsecondaire et [le gouvernement] a précisé de quelle façon il devrait être utilisé. Le message était très clair: c’était pour des projets qui visaient de l’éducation postsecondaire par et pour les francophones», ajoute Carol Jolin.

La modernisation de la Loi sur les langues officielles

L’Ontario français ne fait pas exception ; tout comme au niveau national, l’adoption d’un projet de loi modernisant la Loi sur les langues officielles est des plus urgente.

Le président de la SÉO, Denis Laframboise, considère que les francophones ont suffisamment attendu. «Ça fait longtemps qu’on nous promet que ça va être fait, mais on est rendus dans un cul-de-sac […] J’espère qu’après les élections, le parti qui prendra le pouvoir va pouvoir rapidement développer ce dossier-là.»

L’Assemblée de la francophonie propose, quant à elle, un ajout au projet de loi qui a été déposé le 16 juin dernier. 

«Une chose qu’on a ajoutée récemment, et c’est dans tout le respect des trois peuples qui ont bâti le Canada, et puis dans un esprit de réconciliation, on suggère que la Loi sur les langues officielles propose une alternance francophone, anglophone, Autochtone pour la nomination d’un gouverneur général, et que le gouverneur ou la gouverneure doive maitriser l’anglais et le français à l’instar de la proposition qu’on a pour les juges de la Cour suprême», précise le président de l’AFO.

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