Lettre de la rédactrice

Lettre de la rédactrice

Automne 1992.  Première session au cégep. Premier appartement.  J’habite à 7 minutes de trois cinémas, dont celui au centre Laval qui présente les films de répertoire qu’on ne peut même pas se procurer dans mon club vidéo de campagne. Je vais voir, seule, Les pots cassés, de François Bouvier, un film mettant en vedette Gilbert Sicotte et Marie Tifo.  Le film n’est pas passé à l’histoire, mais j’ai compris ce soir-là que le monde s’ouvrait à moi.  J’avais accès à la culture, enfin! 

Je n’aime souvent pas les films que tout le monde aime.  J’aime ceux qui gravent mon coeur pour m’avoir fait vivre de grandes émotions :  Violon rouge, La Vita est bella, Babel, Monsieur Lazhar, et même, A star is born. 

Hier, j’ai repris contact avec la salle avec le Club Vineland.  Dans le contexte, le bien que ça a produit est indescriptible. J’ai pleuré, j’ai réfléchi, j’ai été interpelé.  Des tonnes de phrases coup de poing qui inspirent, des images inoubliables et des acteurs incarnés. 

On nous parle de cette différence qui fait la différence.  Elle salue la verve de Père Jean, non-orthodoxe qui, comme plusieurs enseignants, réussissent la transmission du savoir en donnant le gout aux enfants d’apprendre.  Nous sommes dans un collège privé de Charlevoix. 

«Jusqu’en juin vous êtes dans ma classe, pas dans un moulin à papier», d’avertir le Père Jean au petit nouveau du collège.  Il deviendra celui qui allume le réverbère et qui sera tant apprécié par la mère qui veut le meilleur pour son enfant, qui ne cadre pas trop…. 

L’annonce du retour à l’école à temps plein au Québec et des écoles ouvertes en Ontario, malgré la pandémie, fait jaser.  Mais les enfants ont ce besoin et ce désir d’être en classe, d’être auprès de ces leadeurs qui les poussent à se surpasser et à trouver leur voie. 

Je suis de celle qui plonge allègrement dans les opportunités de la vie et ça se traduit aussi par la frayeur des pages blanches et par le plaisir d’écrire avec enthousiasme.  En 6e année, c’est Francine Raymond, qui m’a donné cet amour pour le français. 

Qui sont les enseignants qui ont été l’étincelle de vos parents, vos amis et vos enfants?   Dans ma vie, tout près de moi, j’ai un frère qui a changé la courbe de bien des jeunes d’ici.  À la fin de l’année scolaire, il recevait des lettres de ses élèves qui pouvaient, souvent, lui tirer une larme.  Il enseignait les mathématiques.  Fallait le faire, être tant aimé alors qu’on enseigne la matière qui pousse la logique.  On m’arrête souvent pour me dire : «Et que j’aimais ses histoires ou bien il m’a permis d’obtenir mon diplôme!»  

Pour mon plus vieux, c’est un enseignant du primaire, un des rares hommes à fouler les corridors des écoles primaires dans un autre contexte que dans les gymnases, qui lui a permis de prendre son envol.  Marc-Antoine Bergeron est la vedette de bien des enfants qui ont côtoyé les classes du bain linguistique. 

Ces enseignants dévoués qui montrent à nos jeunes comment sortir du cadre, c’est tellement primordial. «Notre société change, avertit Père Jean.  Le monde va changer pareil, avec ou sans nous.»   

Notre société évolue encore en 2021.   

Malgré la crise sans précédent que nous vivons, nos enfants sont ce que nous avons de plus précieux.  La vie continue. Et comme le dit Père Jean d’entrée de jeu : «Le vrai courage, c’est d’avoir peur, mais d’y aller pareil.»   

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